Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/473

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les catacombes, ce ne peut être que le vilain prêtre lui-même ou le prince des magiciens ; mais le prêtre ne jouera pas plus longtemps son rôle d’imposteur ; j’ai son affaire.

À ces mots, une ligne de lumière glissa à terre et fit voir un passage étroit, dans lequel nos deux spectateurs reconnurent tout d’abord la caverne où ils avaient failli laisser leurs os ; plus loin apparut une autre salle, une victime, un prêtre, et toute une troupe de gens dans un attirail mélancolique.

Sempronius poussa un grand cri, quand la victime, jeune, belle, séduisante, les yeux fixés sur le fatal couteau, tomba sur ses genoux pour demander grâce. Il s’efforça de s’élancer vers elle ; mais ses efforts furent vains, il se sentit pris d’une faiblesse et se laissa tomber dans les bras de son ami.

Quand il rouvrit les yeux, la scène était changée ; un jardin verdoyant et fleuri étalait devant ses yeux son luxe de végétation orientale ; des fleurs et des fruits embaumaient l’air de leurs parfums exotiques. Le paysage s’anima de figures vivantes ; un groupe de nymphes se mit à danser au son des instruments qu’elles portaient dans leurs mains, et quand leur ronde s’ouvrit, elle laissa voir au milieu un trône fort simple qui n’était paré d’autres étoffes et pierreries que des mousses et des fleurs de cette délicieuse retraite. Sur le trône était une jeune reine en costume champêtre, son œil était baissé vers la terre, et un jeune Amour lui chuchotait ses enchantements à l’oreille ; la