Page:Baudelaire - Théophile Gautier, 1859.djvu/71

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l’originalité et la correction ; on ne les définit pas, on les aime. Théophile Gautier a continué, d’un côté, la grande école de la mélancolie, créée par Chateaubriand. Sa mélancolie est même d’un caractère plus positif, plus charnel, et confinant quelquefois à la tristesse antique. Il y a des poëmes, dans la Comédie de la Mort et parmi ceux inspirés par le séjour en Espagne, où se révèlent le vertige et l’horreur du néant. Relisez, par exemple, les morceaux sur Zurbaran et Valdès-Léal ; l’admirable paraphrase de la sentence inscrite sur le cadran de l’horloge d’Urrugne : Vulnerant omnes, ultima necat ; enfin la prodigieuse symphonie qui s’appelle Ténèbres. Je dis symphonie, parce que ce poëme me fait quelquefois penser à Beethoven. Il arrive même à ce poète, accusé de sensualité, de tomber en plein, tant sa mélancolie devient intense, dans la terreur catholique. D’un autre côté, il a introduit dans la poésie un élément nouveau, que j’appellerai la consolation par les arts, par tous