Page:Baudelaire Les Fleurs du Mal.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ture reconnaissable, ses secrets de métier, son tour de main si l’on peut s’exprimer ainsi, et sa marque C. B. qu’on retrouve toujours appliquée sur une rime ou sur un hémistiche.

Baudelaire emploie fréquemment le vers de douze pieds et de huit pieds. Ce sont les moules où sa pensée se coule de préférence. Les pièces en rimes plates sont chez lui moins nombreuses que celles divisées en quatrains ou en stances. Il aime l’harmonieux entre-croisement de rimes qui éloigne l’écho de la note touchée d’abord, et présente à l’oreille un son naturellement imprévu, qui se complétera plus tard comme celui du premier vers, causant cette satisfaction que procure en musique l’accord parfait. Il a soin ordinairement que la rime finale soit pleine, sonore et soutenue de la consonne d’appui, pour lui donner cette vibration qui prolonge la dernière note frappée.

Parmi ses pièces, il s’en rencontre beaucoup qui ont la disposition apparente et comme le dessin extérieur du sonnet, bien qu’il n’ait écrit « sonnet » en tête d’aucune d’elles. Cela vient sans doute d’un scrupule littéraire et d’un cas de conscience prosodique, dont il nous semble voir l’origine dans la notice où il raconte la visite qu’il nous fit, et raconte notre conversation. — On n’a pas oublié qu’il venait nous apporter un volume de vers fait par deux amis absents, qu’il était chargé de représenter, et nous trouvons ces lignes dans son récit : « Après avoir rapidement feuilleté le volume, il me fit remarquer que les poëtes en question se permettaient trop souvent des sonnets libertins, c’est-à-dire non orthodoxes et s’affranchissant volontiers de la règle de la quadruple rime. » À cette époque la plus grande partie des Fleurs du mal était déjà composée, et il s’y rencontrait un assez grand nombre de sonnets libertins, qui non-seulement n’avaient pas la quadruple rime mais encore où les