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RUE PRINCIPALE

traitée comme ça. Tu m’aurais écoutée, tu m’aurais permis de m’expliquer et tu n’aurais surtout pas avalé, comme un bol de lait, les méchancetés que Suzanne est allée te raconter.

— Mais c’est justement parce que je t’aimais, Ninette, que j’ai pris ça comme ça ! Tu n’as jamais été jalouse toi ?

— Non, Bob, et je ne comprends pas qu’on le soit. Je ne comprends surtout pas qu’on soit brutal et vulgaire comme tu l’as été.

— Tu exagères !

— Oh ! non, je n’exagère pas ! Vois-tu, Bob, pour la première fois, tu t’es montré à moi sous un jour que je ne connaissais pas, sous un jour qui m’a fait peur.

— Tout de même !

— Déjà les petites scènes stupides que tu m’avais faites à propos de Lamarre, avant ce soir-là, m’avaient profondément irritée. Crois-moi, je ne peux pas vivre avec la crainte d’adresser la parole à un homme, avec la peur de sourire à quelqu’un. J’ai bien réfléchi, Bob, c’est inutile, jamais je ne pourrai être heureuse avec un homme jaloux.

Bob crispa les mains sur son volant, sembla poursuivre un instant sa pensée, tout là-bas, droit devant lui, au bout de la route.

— Pourtant, reprit-il, si tu avais été à ma place !

— Si j’avais été à ta place, Bob, je n’aurais pas crié, je n’aurais pas fait de scène. Et tu peux me croire, je ne t’aurais pas condamné avant d’être sûre que tu aies mal fait. Or moi, je n’avais rien à me reprocher.

— Si encore tu ne l’avais pas embrassé !

— Je t’en prie, ne revenons pas là-dessus. Je t’ai dit comment et pourquoi je l’avais embrassé. Je