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LES LORTIE

suis venu à rester seul sur la terre. Et pourtant, tu le vois, j’ai repris le dessus, je ne suis pas malheureux et… j’ai soixante-dix ans. Tu te désespères alors que tu as toute ta vie devant toi ; tandis que moi, c’est tout le contraire, je l’ai derrière.

— Je sais bien, que ce n’est pas la fin du monde : je sais bien que je finirai par oublier tout ça et que je pourrai encore être heureux, mais ça, à une condition…

— Que tu t’en ailles. C’est ça que tu veux dire ?

— Oui, c’est ça.

— C’est pourtant ce qu’il ne faut pas faire. Quand on fuit ses ennuis, Marcel, on n’a jamais la même satisfaction que quand on leur fait face, que quand on les combat.

La porte s’ouvrit. C’était madame Messier qui, aussi pâle qu’elle était violette quelques minutes auparavant, apportait la nouvelle d’un nouveau méfait. Si violente était son émotion qu’elle avait beau ouvrir la bouche, aucun son n’en sortait.

— Eh bien quoi, madame Messier, questionna monsieur Bernard, avez-vous mis le feu à la cuisine ?

— Venez donc, venez donc voir ! parvint à articuler la pauvre femme.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Votre belle machine neuve !

— Mon auto ?

— Ils l’ont peinturée en gris, les vitres et tout !

— Qu’est-ce que vous me racontez là ?

— Puis ils ont coupé les quatre tires !

— Ils ont coupé les pneus par-dessus le marché ?

— Vous voyez bien, s’écria Marcel, qu’on ne peut plus les laisser faire !

— Tu as raison, répondit monsieur Bernard, il faut faire quelque chose. Ainsi, ils se sont introduits dans le garage ?