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LES LORTIE

Ninette s’approcha craintivement de la forme noire. Elle avança la main, mais ne se pencha pas. Ce fut du bout du pied qu’elle poussa doucement, tout doucement. Aucune réaction. Et, le long des joues de la jeune fille, deux larmes coulèrent, qui vinrent mourir dans la laine de son chandail.

Il était mort, elle n’en doutait plus. Ce petit ami de tous les jours, si gentil, si familier, était venu finir sa misérable vie de chat mal nourri, dans sa cuisine.

Mais il était onze heures ! La pendule sonnait !

Ninette hésita, arracha un essuie-mains au séchoir et le jeta sur le petit cadavre. Elle n’avait déjà que trop tardé ! Elle aperçut, sur la toile cirée de la table, le verre de lait auquel elle n’avait pas touché ; elle le prit, le souleva et… le déposa aussitôt.

— Serait-ce, serait-ce d’avoir bu de ce lait-là que Minou est mort ?

Elle oublia la pendule, se précipita vers l’appareil téléphonique et se fit donner la communication avec son frère, chez monsieur Bernard.

Cinq minutes plus tard, Marcel et son patron arrivaient. Ninette avait eu tout juste le temps de demander à Cunégonde de vouloir bien aller prendre sa place au théâtre, jusqu’à ce qu’elle puisse y aller elle-même.

— C’est le chat de vos voisins ? demanda monsieur Bernard.

— Oui, répondit Marcel, il venait ici presque tous les jours.

— Et chaque fois, ajouta Ninette, je lui donnais un peu de lait.

— Et c’est votre lait d’aujourd’hui, ça ? questionna le vieillard en désignant la bouteille restée sur la table.