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RUE PRINCIPALE

juge que tu avais reconnu Marcel Lortie, t’as rien que menti !

Sénécal pâlit sous l’injure.

— Oui certain, farine d’avoine ! poursuivit le boulanger, t’as menti, puis t’as menti dans la boîte aux témoins, sous serment !

Et comme Mathieu essayait de le faire taire, il reprit :

— Ya assez longtemps que j’ai ça sur le cœur ! Y a assez longtemps que je viens ici avec l’espoir que tu me donneras l’occasion de dire ce que je pense de toi, Sénécal !

Le marchand de tabac contourna son comptoir et vint se planter devant le boulanger, qu’il dominait d’une demi-tête. Le cercle des spectateurs s’élargit.

— Tu vas retirer ce que tu viens de dire ! hurla Sénécal.

— Je retirerai rien pantoute !

— Tu vas retirer ce que tu viens de dire, ou autrement je vais te le faire rentrer dans la gorge à coups de poings !

Les spectateurs frémirent d’aise. Une bonne bataille n’est-elle pas un spectacle de choix ?

Mais Girard ricanait :

— À coups de poings ? Si ton frère vivait encore, Léon Sénécal, peut-être bien qu’à vous deux vous auriez une petite chance ; mais toi tout seul, je te dis que t’as besoin de te lever de bonne heure !

— Vas-tu les retirer tes paroles ? hurla Sénécal un peu surpris de voir le boulanger lui tenir tête avec autant d’audace.

— Je sais pas si tu appelleras ça les retirer, reprit Girard, mais je vas dire quelque chose : c’est que tu as témoigné contre Marcel Lortie, parce