Page:Baudry - Rue Principale 1 les Lortie, 1940.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
LES LORTIE

— Pas long, pas long, fit-elle ; c’est pas demain matin non plus ! Mais toute de même, c’est mieux que de ne pas les ravoir pantoute !

— Tu acceptes, Cunégonde, tu acceptes ?

Elle eut un sursaut d’énergie.

— Non ! clama-t-elle. Non, bout de peanut, j’accepte pas ! Tu vas me promettre dix piastres par semaine, puis quand viendra le temps de me les payer, tu me les payeras pas !

Une fois encore, le chef intervint :

— Mademoiselle Décarie, si Lanctôt prend l’engagement de vous rembourser dix dollars par semaine, il le tiendra, vous pouvez me croire !

— Tu vois bien ! Le chef Langelier a confiance en moi, lui ! triompha Lanctôt.

— Moi, confiance en vous ! rétorqua Langelier. Pas plus qu’en une vieille cent percée ! Seulement, si mademoiselle Décarie accepte votre proposition, les dix piastres, c’est pas à elle que vous les payerez toutes les semaines, c’est à moi ! Puis la première fois que vous oublierez de venir faire votre paiement à l’heure dite, je vous reflanque dedans et vous pouvez prendre ma parole que cette fois-là, il y aura pas de revenez-y. Vous y resterez !

— De même, conclut Cunégonde, ça me va !

Et c’est ainsi que Lanctôt, dix minutes plus tard, arpentait les trottoirs de la rue Principale, en se demandant comment il allait faire, non pas pour tenir ses engagements, mais pour ne pas les tenir ; ce qui avec un homme de la trempe du chef Langelier, ne devait pas être précisément facile.