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RUE PRINCIPALE

— Tu te trompes peut-être, avait dit Bob, mais je crois qu’il vaut mieux parler d’autre chose. Il y a un vieux proverbe qui prétend que…

Mais il s’était brusquement interrompu. Gaston avait insisté :

— Un vieux proverbe ?

— Disons que je n’ai rien dit, avait fait Bob.

Et il s’était mis à parler politique.

C’était depuis ce moment-là, Suzanne en était sûre, que Bob avait changé d’air. La façon lui était tombée, comme on dit…

Suzanne se pencha pour lire l’indicateur de vitesse. Cinquante-huit, soixante ! Soixante milles à l’heure par un soir comme celui-là, sur une route qui avait la triste réputation d’être dangereusement glissante sous la pluie ! À quoi pouvait-il bien songer ?

— Je t’en supplie, Bob, fit-elle. J’ai peur.

Il ne répondit pas plus que les fois précédentes, mais l’aiguille de l’indicateur vint rapidement se stabiliser aux environs du nombre 30.

— Où m’emmènes-tu, à cette vitesse-là ? questionna Suzanne.

— Nulle part en particulier ; seulement quand on veut tenir une conversation et qu’on veut être bien sûr que personne n’écoutera, une machine en marche, c’est bien encore la meilleure place.

Ainsi donc, elle allait savoir.

— Te voilà bien mystérieux, fit-elle. Qu’est-ce qui se passe ?

La voiture avait encore ralenti. Elle faisait du vingt, tout au plus.

— Tu le sais aussi bien que moi, ce qui se passe, répondit-il. Rien qu’à te voir l’air avec lequel tu poses cette question-là !