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RUE PRINCIPALE

Posément, monsieur Bernard sortit de sa poche un large portefeuille de cuir noir, et en retira une feuille de papier qu’il déplia.

— Ceci, dit-il, c’est la liste de vos propriétés.

— Ah !

— Oui. Cet après-midi, vous allez nous accompagner à Montréal, chez mon notaire. Là, nous passerons un acte de cession de ces propriétés-là à votre neveu et à votre nièce.

— Toutes ?

— Mais naturellement, toutes.

Sénécal eut un geste de révolte.

— Mais c’est pas juste ça ! s’écria-t-il. Il y en a là-dedans que j’avais avant la mort de mon père ! Il y en a que j’ai gagnées moi-même !

— C’est possible, fit Bob, c’est bien possible ; mais entre nous autres là, faut tout même bien que tu sois puni un petit peu, pas vrai ?

Sénécal serra les poings. Allait-il se laisser dépouiller ainsi ? Toute son avarice se révoltait. Une envie folle l’étreignait : celle de tuer ces deux hommes qui, le sourire aux lèvres, assistaient à l’écroulement de ce que tant de vilenies habiles, tant de géniales malhonnêtetés avaient échafaudé. Ce fut les dents grinçantes qu’il répondit :

— Non ! non, je n’accepterai pas ! Je n’accepterai pas certain !

— Voyons, fit Bob, voyons donc ! Aimes-tu mieux t’en aller au pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul pour quatre ou cinq ans ?

Au pénitencier ! À ce seul mot, Sénécal frémit et baissa la tête. Non, pas ça. Tout, mais pas ça !

— Continuez, murmura-t-il.

— Avant d’aller à Montréal, poursuivit Bernard ; c’est-à-dire ce matin même, nous allons faire avec autant de précision que possible, l’inven-