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ARISTOTE

tout ce passage, tant pour l’honneur d’Ariston, que pour celui de Pline Le jeune ; car on y voit le caractère d’un bon cœur, et une preuve que la vertu a toujours trouvé des retraites dans les villes les plus corrompues par une longue prospérité suivie des longues fureurs des guerres civiles et du gouvernement des tyrans. C’est ce qu’on pouvait dire de Rome dans ce siècle-là.

(F) Quelques-uns assurent qu’Ariston parvint à une extrême vieillesse ; mais la preuve qu’ils en donnent est très-infirme.] Cette preuve est tirée de ce qu’Ariston avait assisté à des plaidoyers de Cassius, c’est-à-dire de Caius Cassius Longinus, qui fut consul sous l’empire de Tibère. Or on compte soixante ans entre Tibère et Trajan, et l’on sait qu’Ariston fut consulté par Trajan sur une affaire de droit. Voilà le raisonnement de Bertrand[1]. On le réfute par la raison que Cassius a vécu jusqu’à l’empire de Vespasien[2], et qu’entre le commencement de cet empire et celui de Trajan, il n’y a qu’environ vingt-huit années[3].

  1. Vid. Bertrand, in Vitis Jurisperitorum, lib. II, pag. 245, 295.
  2. Pomponius l’assure. Vide Guillelm. Grotium in Vius Jurisconsultor., lib. II, cap. III, pag. 123.
  3. Gullielm. Grotii Vitæ Jurisconsultorum, pag. 123.

(G) Il fut l’auteur de quelques livres.] Les Pandectes en font mention, et vous en verrez les titres dans Îles deux auteurs que je cite[1]. Voyez aussi Aulu-Gelle, qui avait lu dans un ouvrage d’Ariston, que toutes sortes de vols étaient permises dans l’ancienne Égypte. Zdetiam inemini legere me in libro Aristonis jureconsulti haudquaquäm indocti virt, apud veteres Ægypiios, quod genus hominum constat et in artibus reperiendis sollertes exstitisse, et in cognitione rerum indagandä sagaces, Jurta onenia fuisse Licita et impunita[2]. Bertrand conjecture que c’était un traité du larcin, puisqu’Aulu-Gelle le cite au singulier, lui qui savait qu’Ariston était auteur de beaucoup de livres[3].

  1. Bertrand, et Guillaume Grotius.
  2. Aulus Gellius, lib. XI, cap. XVIII, pag. 302.
  3. Bertrand, de Vitis Jurisconsultorum, pag. 299.

ARISTOTE, nommé ordinairement le prince des philosophes, ou le philosophe par excellence, a été le fondateur d’une secte qui a surpassé, et qui enfin a englouti toutes les autres [a]. Ce n’est pas qu’elle n’ait eu ses revers et ses infortunes, et qu’en ce siècle XVII surtout, on ne l’ait violemment secouée [b]  ; mais les théologiens catholiques d’un côté, et les théologiens protestans de l’autre, ont couru comme au feu à son secours, et se sont tellement fortifiés du bras séculier contre les nouveaux philosophes, qu’il n’y a point d’apparence qu’elle perde de long-temps sa domination. M. Moréri trouva tant de beaux matériaux dans un ouvrage du père Rapin [c], qu’il donna un fort long article d’Aristote, et fort capable de me dispenser de mettre la main à cette matière. Aussi n’ai-je pas dessein de m’y étendre autant qu’elle le pourrait souffrir, et je me contenterai même de ne produire dans les remarques qu’une partie des erreurs que j’ai recueillies concernant ce philosophe. Je pense en avoir trouvé quelques-unes dans la narration du père Rapin (A). Ce n’est pas un fait certain qu’Aristote ait exercé la pharmacie dans Athènes, pendant qu’il était disciple de Platon [d]  ; mais on n’est pas non plus certain qu’il ne l’y ait pas exercée. On doit

  1. Aristoteles more Ottomanorum regnare se haud tuto posse putabat, nisi fratres suos omnes contrucidasset. Bacon, de Augment. Scientiar., lib. III, cap. IV.
  2. Voyez le livre de M. de Launoi, de Variā Aristotelis Fortunā.
  3. La Comparaison de Platon et d’Aristote.
  4. Voyez la remarque (A), num. 2.