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DRABICIUS.

bicius. On ne demeura point muet sur ces reproches : Coménius représenta que le prince n’avait pas suivi les ordres du voyant ; car il était entré en Pologne sans en avoir eu l’agrément des Turcs. Brevi post à principis Transylvaniæ secretario, C. S. tristes venerunt (ternâ vice) quibus historicè principis sui ruinam recitans, non obscurè culpam in revelationes istas (quasi fidem illis habens eò impulsus fuisset princeps) conferre videbatur, causa fuit data ad nebulas illas discutiendum scribendi aliquid [1]. Il serait difficile de dire si Ragotski ajouta foi aux prophéties de Drabicius, ou s’il crut seulement qu’elles lui procureraient la victoire, par les dispositions où elles mettaient les peuples. Il serait assez possible qu’un prince de grand cœur, de beaucoup d’esprit, mais sans étude, se laissât fort ébranler par des discours semblables à ceux de Drabicius ; je veux dire qu’il y trouvât quelque chose de divin et de prophétique, et qu’il craignît les malédictions annoncées par ce prophète. On faisait entendre à George Ragotski que son père et son frère en avaient senti les effets : pourquoi ne croirons-nous pas qu’il devint crédule ? Mais d’ailleurs il est très-possible qu’un prince assez éclairé pour se moquer de ces chimères, forme des projets et de grands desseins conformément aux visions de ces gens-là ; car c’est une très-puissante machine pour amener sur la scène les grandes révolutions, que d’y préparer les peuples par des explications apocalyptiques, débitées avec des airs d’inspiration et d’enthousiasme. C’est ce qui a fait dire aux ennemis des protestans, que leurs auteurs n’ont tant travaillé sur l’ApocaIypse, qu’afin d’exciter la guerre par toute l’Europe, en inspirant à tel prince qui n’y songeait pas, l’envie de profiter des conjonctures. Coménius n’a pas été à couvert de ce soupçon. Voyez l’article de Kottérus.

  1. Ibid., pag. 184. Notez que si l’entreprise de Ragotski avait été heureuse, on n’aurait eu nul égard à cette inobservation des conditions prescrites par le prophète ; et ainsi les mêmes clauses sont essentielles ou accidentelles aux prophéties de ces gens-là, selon qu’il plaît aux événemens d’en décider. C’est là leur grande clef.

DRELINCOURT (Charles), ministre de l’église de Paris, naquit le 10 de juillet 1595, à Sedan, où son père avait une charge considérable (A). Il fit ses humanités et ses études de théologie à Sedan ; mais il fut envoyé à Saumur pour y faire sa philosophie sous le professeur Duncan. Il fut reçu ministre au mois de juin 1618, et il exerça sa charge proche de Langres (B), jusqu’à ce qu’il fut appelé par l’église de Paris au mois de mars 1620. Il épousa en 1625, la fille d’un riche marchand de Paris [a], de laquelle il eut seize enfans (C). La bénédiction de Dieu, qui se répandit sur son mariage par une fécondité non commune, ne se répandit pas moins sur son ministère. Ses prédications étaient fort édifiantes ; il était incomparable dans la consolation des malades ; et il s’employait avec un grand fruit aux affaires de son église, et même à celles des autres troupeaux, sur lesquelles il ne manquait jamais d’être consulté quand elles étaient importantes. On ne saurait dignement représenter les services qu’il a rendus à l’église par la fécondité de sa plume (D), soit que l’on regarde ses livres de dévotion, soit que l’on regarde ses livres de controverse. Il y a tant d’onction dans les premiers, l’esprit et les expressions de l’Écriture y règnent de telle sorte, que les bonnes âmes y ont trouvé et y trouvent encore tous les jours une pâture merveilleuse. Ce qu’il a écrit contre l’église romaine

  1. Il s’appelait Bolduc, et s’était fait de la religion.