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MARCIONITES.

savant commentateur[1]. Quo feliciùs hæresin propagaret, philosophiæ se mancipavit, stoïcæ præsertim : Tertull. de præscr. hær. c. 30. Undè idem Tertullianus, c. 7. ejusd. libri philosophiam et dialecticam exagitat, vel ut matrem hereseon, et Prudentiùs in Hamartigeniâ, dialecticæ ostentationem ei exprobrat : p. 192.

Hæc tua, Marcion, gravis et dialectica vox est.


Nôrunt enim omnes à Zenone[2] stoïco dialecticam esse inventam. Mais je ne blâme pas ceux qui croient qu’il était déjà bon stoïcien, lorsque la communion de l’église lui fut interdite pour la première fois.

(D) Ses sectateurs formèrent des églises à l’envi des orthodoxes partout où ils purent. ] Citons encore le même commentateur[3] : Post ejus obitum marcionitæ ecclesias, in æmulationem ecclesiæ catholicæ, ubique locorum erexêre : undè Tertull. l. 4. c. Marc. c. 5. Faciunt favos et vespæ, faciunt ecclesias et marcionitæ. Saint Épiphane témoigne que l’hérésie des marcionites subsistait encore, non-seulement à Rome et dans le reste de l’Italie, mais aussi dans l’Égypte, dans la Palestine, dans l’Arabie, dans la Syrie, dans l’île de Cypre, dans la Thébaïde, dans la Perse, et en d’autres lieux[4]. N’est-il pas étrange que Lambert Daneau, qui s’est servi de ce passage de saint Épiphane, pour prouver que cette secte avait fait de grands progrès, ne s’en serve point pour prouver qu’elle était encore fort répandue du temps de ce père ? Il ne cite saint Épiphane, quant au temps présent, qu’afin de prouver qu’il y avait encore à Rome quelques marcionites[5]. Si l’on faisait des recueils des citations mal choisies, les auteurs les plus célèbres s’y trouveraient assez souvent. Cette partie de la critique ne serait pas la moins utile de toutes. Elle servirait à faire connaître comment on peut discerner les vrais savans d’avec ceux qui n’en ont que l’apparence.

(E) Cette secte se glorifiait de ses… martyrs. Ce fait a donné lieu à une dispute. ] Produisons les pièces de ce procès l’une après l’autre, selon le rang qui leur est dû.

I. La première sera fournie par M. Maimbourg : voici ses paroles[6] : « Ils[7] ne peuvent ignorer que le plus célèbre de leurs docteurs, qui a écrit qu’on doit punir les hérétiques, fit brûler à Genève Michel Servet, sabellien obstiné jusques à la mort, et que conformément à la doctrine des saints pères, qui disent que ce n’est pas la peine, mais la cause qui fait le martyr, il ne lui donne cette illustre qualité, non plus qu’aux marcionites, et à tant d’autres anciens hérétiques qui couraient au supplice avec une incroyable ardeur de mourir pour leur secte. »

II. Voyons ce qui lui fut répondu[8] : Je ne sais si l’on a jamais vu un exemple d’une aussi prodigieuse ignorance dans un homme qui se mêle d’écrire, ou d’une aussi grande hardiesse dans un auteur qui sait que son livre doit être examiné à la rigueur. Les marcionites, dit-il, couraient au supplice afin de mourir pour leur secte. Il faut savoir premièrement que les marcionites ont eu leur règne dans le second et dans le troisième siècle, dans lesquels les chrétiens étaient sous la croix : comment auraient-ils envoyé les marcionites et les autres hérétiques au supplice, eux qui n’avaient point de juges, point de tribunaux, et qu’on envoyait tous les jours à la mort ? Il faut remarquer de plus que dans le siècle des marcionites la morale de l’église était si sévère, que la plupart des chrétiens ne croyaient pas qu’il fût fort sûr pour la conscience d’exercer des charges de magistrature. Ils n’auraient pas voulu condamner à la mort des scélérats, et ils auraient envoyé au supplice des hérétiques ! Mais

  1. Wetstenius, Notis in Orig. contrà Marcionitas, pag. 4.
  2. C’est Zénon d’Élée, qui passe pour l’inventeur de la logique. Voyez Gassendi, de Logicæ Origine, cap. I, tom. I Operum, pag. 39, 38.
  3. Idem Wetstenius, Notis in Orig. contrà Marcionitas, pag. 5.
  4. Epiph. advers. Hæres., pag. 302.
  5. Deniquè Epiphanius scribit suo seculo adhùc quosdam Marcionitas Romæ natos fuisse. Lambertus Danæus, in Commentario ad Librum D. Augustin., de Hæresibus, fol. 59.
  6. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. I, pag. 83.
  7. C’est-à-dire, les protestans.
  8. Jurieu, Apologie pour les Réformateurs chap. XII, pag. 171 du Ier. tome, édit. in-4°.