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MACON.

venu le nom français Mascon que l’on prononce Mâcon [a]. Cette ville se sentit cruellement des désordres que les guerres de religion causèrent en France, dans le XVIe. siècle. Les réformés y dressèrent une église, l’an 1560 [b], et ils y multiplièrent de telle sorte, qu’ils se rendirent les maîtres de la ville fort facilement [c], lorsque le massacre de Vassi les eut obligés à songer à leur sûreté. Ce fut au commencement de mai 1562, qu’ils s’en rendirent les maîtres sans beaucoup de violence, et sans effusion de sang. Trois jours après on apprit que les images avaient été brisées dans la ville de Lyon, et il fut impossible aux ministres et aux anciens d’empêcher que ceux de Mâcon n’en fissent autant, et dès lors l’exercice de la religion romaine y fut supprimé. Tavanes tâcha plusieurs fois de reprendre cette ville, sans y pouvoir réussir ; mais enfin il y pratiqua des intelligences, par le moyen desquelles il la surprit le 19 d’août 1562 [d]. Il s’en rendit maître après quelques combats assez chauds qu’il lui fallut essuyer dans les rues. On y exerça toutes sortes de pilleries et de barbaries (A) ; et ce fut alors que se firent les sauteries de Mâcon (B), desquelles j’ai promis ailleurs [e] que je parlerais ici. Je m’acquitte de ma promesse ; et en même temps on verra pourquoi je touche ces effroyables désordres en divers endroits de cet ouvrage (C). Ces sauteries ont été mieux immortalisées que celles de l’île de Caprée (D).

  1. Hadr. Valesius, Notit. Gall., pag. 322, 323.
  2. Bèze, Hist. eccl., lib. III, pag. 214.
  3. Là même, liv. XI, pag. 407.
  4. Là même, pag. 422.
  5. Dans la Remarque (G) de l’article Beaumont, tom. III, pag. 234.

(A) On y exerça toutes sortes de pilleries et de barbaries. ] Lorsque les maisons de ceux de la religion eurent été si bien nettoyées qu’il semblait qu’on n’y eût rien laissé, madame de Tavanes y sut bien découvrir les cachettes si subtilement qu’elle eut pour sa part du pillage environ cent quatre-vingts bahus de meubles tous pleins, outre, le fil, pièces de toiles, et toutes sortes de linge, comme linceuls, nappes et serviettes, dont Mâcon avait la réputation d’être bien meublé entre les villes de France. Quant aux rançons, bagues, vaisselle et autres joyaux, on n’en a pas bien su la valeur ; mais tant y a que ceux qui avaient de maniement de tels affaires disaient à leurs amis, que Tavanes y avait acquis de quoi acheter comptant dix nulle livres de rente [1]. Il ne faut pas s’étonner après cela que les grands seigneurs fomentassent la discorde, et nourrissent, autant qu’ils pouvaient, les flammes de la persécution. C’étaient leurs finances ; c’était une maltôte très-lucrative.

(B) Les sauteries de Mâcon. ] Je me servirai des propres termes de l’historien qui a parié dans la remarque précédente. « [2] L’exercice de l’église romaine y fut aussi rétabli incontinent, et les prêtres et moines redressés en leur premier état, et le bordeau tout ensemble [3]. Pour comble de tous malheurs, Saint-Point [4] (homme du tout sanguinaire et plus que cruel, lequel sa propre mère a déclaré en jugement, pour décharger sa conscience, être fils d’un prêtre qu’elle-même nommait) fut laissé par Tavanes, gouverneur de la ville, lequel pour son passe-temps, après avoir fêtoyé les dames, avait ac-

  1. Bèze, Histoire ecclés., liv. XV, p. 429.
  2. Là même.
  3. Il avait dit, pag. 424, que les ribaudes et les paillardes des prêtres qui avaient été chassées auparavant, rentrèrent le jour de la prise, et servirent à ces bourreaux d’enseigner les maisons de ceux de la religion, et surtout de ceux qui avaient poursuivi leur déchassement.
  4. D’Aubigné l’appelle Saint-Pont.