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MOLSA.

pressentir de quoi il était question. Je m’expliquerai par les paroles d’un autre écrivain. « Il y a un Petrus Mathæus, docteur en l’un et l’autre droit, qui fit l’an 1587 un Recueil de plusieurs poésies latines des poëtes italiens...... Entre ces poésies les deux plus belles pièces qui s’y trouvent sont les plus honteuses, la Priapée de Bembe, où il se joue de son esprit, parlant de l’herbe que nous appelons la menthe, par une rencontre de ce mot avec la mentule latine, et encore la Siphilis de Fracastor, où il décrit l’origine et le progrès de la vérole [1]. »

(F) On a dit...... qu’il ne fallait point douter que son âme ne fût montée tout droit au ciel. ] Le Contile emploie entre autres raisons celle là pour consoler ceux qui pouvaient s’affliger de la mort de ce bel esprit. Il avait allégué les raisons pour lesquelles ils devaient s’en affliger, et puis il tourne la médaille de cette manière : Debbano adunque i suoi parenti ed amici piangerlo con dolore intenso. Non debbano poi dolersene, perche hanno conosciuto, che quella era la sua hora, nella quale mostrò tanto zelo christiano, che dicono à viva voce esser lui salito in cielo : era la sua hora parimenti inquanto alla età, la quale stanca di questa vita, ha mostro il suo determinato fine, faggendo il pericolo delle morti subbitane, le quali succedono quasi sempre à quella età. So che voi in prima fronte vi dorrete di quello honorato amico, dipoi non vi dorrete, ma restarete contento di quel fine, che certifica la salute di quell’ anima, che in questa vita valse tanto [2]. Il me semble que les mœurs de cet homme-là devaient faire craindre, malgré les bonnes dispositions qu’il fit paraître en mourant, qu’il n’eût besoin de plusieurs années de purgatoire.

  1. Pasquier, Catéchisme des Jésuites, livre III, chap. IX, pag. m. 378.
  2. Luca Contile, Lettere, libre I, folio 86 verso.

MOLSA (Tarquinia), petite-fille du précédent, a été une des plus illustres dames de son siècle. Son esprit et son savoir, accompagnés des grâces du corps étaient soutenus par une grande vertu (A). Ayant perdu son mari sans en avoir eu des enfans [a], elle ne voulut jamais se remarier, quoiqu’elle fut encore fort jeune : elle marqua si vivement sa douleur, qu’elle mérita d’être comparée avec Artémise (B). Son père ayant reconnu qu’elle était née pour les sciences, la fit instruire par les plus excellens maîtres qu’on pût trouver (C). Elle fut extrêmement considérée à la cour du duc de Ferrare : en un mot, son mérite eut tant d’éclat, que la ville de Rome la gratifia d’un privilége dont on n’avait point d’exemples ; ce fut celui de la bourgeoisie romaine (D). Vous trouverez le détail de toutes ces choses dans les remarques.

  1. Hilar. de Coste, Élog. des Dames Illustr. tom. II, pag. 800. Il ne fait que traduire, l’Élog. de cette dame, composé par Pierre-Paul de Ribéra.

(A) Son esprit et son savoir, accompagnés des grâces du corps, étaient soutenus par une grande vertu. ] François Patrice, l’un des plus savans personnages de ce temps-là, est ma caution ; car voici ce qu’il lui écrit, après avoir étalé toutes les choses qu’elle savait. His tot tantisque ingenii ornamentis comites sese addiderunt nobilitas generis, pulchritudo eximia, mores animi insignes, pudicitia singularis [1]. Un chanoine de Latran a donné à cet éloge plus d’étendue : Elle était naturellement aimable, dit-il [2], et d’une rare beauté ; de sorte qu’étant en un âge plus avancé, son visage, sa gentillesse, et sa bonne grâce firent paraître que le dire d’Euripide est véritable : Que non-seulement le printemps, mais

  1. Franciscus Patricius, in epist. dedicatoriâ tertii tomi Discussion. Peripateticarum.
  2. Pierre Paul de Ribéra, ubi infrà, citat. (7). Selon la version d’Hilarion de Coste, Élog. des Dames illustres, tom. II, pag. 800.