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MOUGNE. MOULIN.

assez louer la complaisance de ceux qui permettent qu’on leur fasse des enfans, et que la bonté de leur naturel me ravisse, si est-ce que je ne serais pas assez généreux pour être de leur opinion, et ne pourrais souffrir encore aujourd’hui qu’on me fît mes livres : mon imagination ne m’obéit pas de telle sorte que je puisse jamais lui persuader, que des ouvrages tels que ceux-là fussent à moi, et ne ferais pas plus de conscience de toucher au bien d’autrui que de recevoir des bienfaits de cette nature [1]. La conclusion de cette préface est du même ton que l’exorde ; car elle contient ceci : Mais pour revenir à ce qui me touche, quoiqu’il soit fort véritable que ma vie n’ait pas été telle que je n’aie quelques amis, et de ceux-là mêmement qui entendent l’art d’écrire, sachez toutefois que, pour ce qui regarde la façon de cet ouvrage, ils m’ont été aussi étrangers que ceux qui vivent aux extrémités du monde, ou que me le furent jadis ceux qui ont passé dans l’opinion de quelques-uns pour les auteurs de la préface [2], laquelle j’ai fait ajouter à la fin de ce discours. C’est parler en homme de cœur ; il n’y a que des gens lâches, qui veuillent passer pour auteurs d’un livre qu’ils n’ont point fait : on aurait beau dire qu’ils aiment la gloire si ardemment qu’ils y veulent parvenir par l’adoption, lorsqu’ils ne le peuvent par la génération ; ce désir de gloire ne laisse pas d’être la marque d’un cœur bas. Les custodinos d’un évêché sont moins poltrons que les custodinos d’un livre. Ceux-ci sont coupables du cocuage volontaire : qu’on dise tant qu’on voudra que ce n’est qu’un cocuage d’esprit, c’est néanmoins une tache, c’est une honte.

  1. La Motte-Aigron, avertissement au lecteur dans sa Réponse à Phyllarque. Voyez la remarque (D) de l’article de Balzac, tom. III, p. 71.
  2. C’est-à-dire la préface des Lettres de Balzac.

MOUGNE (Roberte), publia en 1616 [a], un livre intitulé le Cabinet de la veuve chrétienne, contenant prières et inéditations sur divers sujets de l’Écriture Sainte, et le dédia à très-sage et vertueuse dame, Benigne de Rabutin, baronne d’Huban, dame d’Espeville et de Brinon. Elle apprend dans l’épître dédicatoire, datée de Blois, le 7 de juillet 1615, qu’elle était veuve depuis vingt-six ans [* 1]. On trouve après cette épître un sonnet à mademoiselle du Chesne Belon ma mère, sur son cabinet de la veuve chrétienne. Nicolas Viguier ministre du saint évangile est l’auteur de ce sonnet [* 2], et nous apprend que la plume immortelle du mari de notre Mougne peignit dans ses doctes écrits les traits des vertus de cette femme. Elle était de la religion, et fait paraître dans son livre une piété judicieuse et nourrie du bon suc de la parole de Dieu. La dame de Rabutin qu’elle nomme rare patron de piété, de chasteté, de charité, lequel en peut servir d’exemple à toutes veuves chrétiennes, était aussi de la religion.

  1. * Elle était, dit Leclerc, veuve de Belon, sieur du Chesne.
  2. * Il avait, dit Leclerc, épousé Olympe Belon et était gendre de Roberte Mougne. Nicolas Vignier fut le père de Jérôme Vignier, prêtre de l’oratoire.
  1. À Paris, chez Antoine Joullin, in-16, avec privilége du roi.

MOULIN (Pierre du), l’un des plus célèbres ministres que les réformés de France aient jamais eus, naquit [* 1]........................ Il est à remarquer qu’il ne croyait point l’histoire de la papesse Jeanne (A).

  1. * Cet article est un de ceux que Bayle n’avait que commencés, et qui ne parurent que dans l’édition de 1720. Bayle eût certainement parlé de quelques-uns des 75 ouvrages de du Moulin dont on trouve la liste dans l’ouvrage intitulé : Tous les Synodes des églises réformées de France, tom II, pag. 273.