Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/586

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
576
MUCIE.

peii Muciam. Nam certè Pompeio et à Curionibus patre et filio, et à multis exprobratum est quòd cujus caussâ post tres liberos exegisset uxoren, et quem gemens Ægysthum appellare consuêsset, ejus posteâ filium potentiæ cupiditate in matrimonium recipisset.

(D)... L’intérêt de son ambition passa l’éponge sur un si juste ressentiment. ] Les plus courageux de tous les hommes agissent en bien des rencontres comme les plus lâches : ils oublient les outrages les plus sanglans, pourvu que le dessein de s’agrandir trouve son compte dans la réconciliation. Pompée, au retour de la guerre de Mithridate, voulait faire ratifier toute sa conduite, et obtenir des terres pour les soldats [1] : c’était porter ses vues bien loin. Il fit créer consuls les deux personnes dont il attendait le plus de faveur ; mais il s’y trompa : l’un, savoir Afranius, était plus propre à danser qu’à toute autre chose ; l’autre, savoir Métellus Céler, le contrecarra en tout et partout, dans la colère où il était depuis le divorce de sa sœur Mucie [2]. Ainsi Pompée n’obtenant rien, et sentant la diminution de son crédit, forma une ligue avec Crassus et avec César, laquelle fut la source maudite du renversement de l’état. Voilà presque toujours la chaîne des plus grandes révolutions. Faites-en l’analyse, vous les réduirez à un adultère. Si Mucie avait été une honnête femme, César n’eût point couché avec elle ; en ce cas-là Pompée ne l’aurait pas répudiée ; ne la répudiant pas, il aurait eu pour ami Métellus Céler ; l’ayant pour ami, il ne se fût point associé avec Crassus et avec César ; association funeste ! comme Caton le sut bien prédire [3]. On employa les mariages à mieux cimenter la ligue. César, qui avait promis sa fille à Servilius Cépion, se dédit de sa parole, et choisi Pompée pour son gendre, et fit espérer à Servilius la fille de Pompée, quoiqu’elle fût destinée au fils de Sylla. Celle de Pison fut mariée avec César, ce qui procura à Pison le consulat. Alors Caton ne put se tenir de s’écrier contre cette espèce de maquerellage, contre ce vilain trafic des dignités achetées par des noces, Ἐνταῦθα δὴ καὶ σϕόδρα μαρτυρομένου Κάτωνος, καὶ βοῶντος, οὐκ ἀνεκτὸν εἶναι, γάμοις, διαμαςροπευομένης τῆς ἡγεμονίας, καὶ διὰ γυναίων εἰς ἐπαρχίας καὶ ςρατεύματα καὶ δυνάμεις ἀλλήλους ἀντεισαγόντων. Quo tempore palàm testatus est Cato, clamavitque rem indignam esse, ut addiceretur nuptiarum lenociniis imperium, ac per mulieres mutuò se ad provincias, imperia, exercitus proveherent [4].

(E) Pompée se fâcha que l’on méprisait... son jugement. ] Et il le fit bien sentir à Scaurus, accusé de concussion l’an de Rome 699 [5]. Scaurus avait une grande confiance aux bons offices de Pompée [6]. Il avait un fils qui était frère utérin des fils de Pompée : c’était le fondement de son espérance ; mais il y fut attrapé, car Pompée ne le servit point : il fut moins sensible à la liaison de sang qui était entre ses fils et le fils de l’accusé, qu’à l’affront qu’il avait reçu d’un homme qui avait marqué de l’estime pour une femme que lui Pompée avait flétrie. Je ne dis rien là que je n’aie lu dans un ancien écrivain, et qui ne soit vraisemblable. In eo judicio neque Pompeius propensum adjutorium præbuit, (videbatur enim apud animum ejus non minùs offensionis contraxisse, quòd judicium ejus in Mutiam, crimine impudicitiæ ab eo dimissam, deviùs fecisse existimaretur, cùm eam ipse probâsset, quàm gratiæ acquisisse necessitudinis jure, quòd ex eâdem uterque liberos haberet) neque Cato ab æquitate eâ, quâ et vitam ejus, et magistratum illum decebat, quoquàm deflexit [7].

(F) Pompée ne fut pas heureux en

  1. Dio, ubi infrà.
  2. Μέτελλος δὲ ὀργῇ ὅτι τὴν ἀδελϕὴν αὐτοῦ, καίτοι παῖδας ἐξ αὐτῆς ἔχων, ἀπεπέμπετο, καὶ πάνυ πρὸς πάντα ἀντέπραξεν. Metellus verò Pompeio iratus qui ejus sorori, susceptis etiam ex eâ liberis nuntium remisisset, in omnibus ei actionibus obstitit. Dio, lib. XXXVII, pag. 58, ad ann. 693.
  3. Plutarch., in Cæsare, pag. 713. Voyez-le aussi in Pompeio, pag. 644.
  4. Idem, ibidem, pag. 714, A.
  5. Ascon. Pedianus, in Argum. Orat. Ciceron., pro Scauro, pag. 168.
  6. Idem, ibidem, pag. 170,
  7. Idem, ibid.