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THÉON.

dios modulos Amphion (invenit) Dorios Thamyras Thrax : Phrygios Marsyas Phryx [1].

  1. Plin., lib. VII, pag. m. 202. Voyez aussi Clément d’Alexandrie, lib. I, Strom., pag. 307.

THÉON, sophiste grec, dont il nous reste un ouvrage de rhétorique [a], écrit avec beaucoup de politesse et de jugement. Ses règles sont nettes et courtes, et il choisit bien les lieux communs qui doivent fournir les argumens. Il n’y a point de matière où il ait mieux réussi que dans la thèse de la providence de Dieu (A). Il juge bien des beaux endroits, et des défauts des plus illustres historiens et orateurs. Je montrerai par un exemple sa délicatesse sur l’arrangement des mots (B). Voici une autre preuve de son bon goût. Il ne veut point que les maximes ou les sentences soient en relief, ou en broderie dans les narrations, il veut qu’elles y soient incorporées d’une façon imperceptible (C). Son livre fut imprimé à Bâle avec la version latine de Joachim Camérarius, l’an 1541 ; mais la meilleure édition est celle de Leyde, 1626, in-8o. Daniel Heinsius, qui la procura, revit avec soin la version latine, et y fit un très-grand nombre de corrections [* 1].

  1. * Cette édition qu’Heinsius donne de Théon est datée par Bayle de 1626 ; Gibert, de 1624 ; par Fabricius, de 1620. Le Manuel du libraire, par M. Brunet, dit 1626 ; et c’est cette date que porte l’exemplaire que j’ai vu à la bibliothéque Mazarine.
  1. Intitulé Προγυμνάσματα, Progymnasmata.

(A) Il n’y a point de matière où il ait mieux réussi que dans la thèse de la providence de Dieu. ] Lisez le chapitre XII de son ouvrage, vous y verrez une source très-féconde des plus belles preuves qu’un païen pût imaginer, et qui vons persuadera que notre Théon était habile. Vous y trouverez, entre autres choses, que quand on se persuade que les dieux sont perpétuellement les inspecteurs de tout ce que nous faisons, on vit dans la dernière sûreté, et dans la pratique de son devoir ; et que ceux qui croient être l’objet du soin des dieux, passent leur vie avec le plus grand plaisir du monde. Laissons-le parler lui-même : Εἶθ᾽ ὅτι ἀσϕαλέςατα ἂν οὗτοι, καὶ προσεχόντως τὸν βίον διάγοιεν, νομίζοντες ἔχειν ἐπισκόπους ἀεὶ πασῶν τῶν κατὰ τὸν βίον τράξεων. Καὶ ὅτι μάλιςα ἡδέως ζῶσιν, οἱ ἡγούμενοι ἐπιμελητὰς ἔχειν τοὺς θεούς. Quemadmodùm et omnium tutissimè ac diligentissimè eos vivere constet, qui omnium suarum in vitâ actionum inspectores se habere existimant deos. Sed et jucundissimè ætatem agere, qui à diis respici se credunt [1]. Il est sûr que si les hommes savaient vivre selon leurs principes, rien ne serait aussi capable de les détourner de toute mauvaise action, et de les pousser au bien, que le dogme de la présence de Dieu. Les plus scélérats ont la force de réfréner leurs mains et leur langue, quand ils croient être vus ou entendus de quelque personne qu’ils craignent et qu’ils respectent. À plus forte raison faudrait-il que la pensée que Dieu voit tout, contînt toujours l’homme dans son devoir [2]. C’est pour cela que dans les livres de piété on recommande si fort la méditation de la présence de Dieu. De là vient encore l’usage d’afficher cet écriteau jusque dans les coins des rues, Dieu te regarde, pécheur. Il est certain aussi que ceux qui croient que Dieu a soin d’eux, ont une ressource continuelle de consolation et de plaisir. Les poëtes profanes n’ont pas ignoré cela ; mais on doit être scandalisé qu’ils se soient servis de cette maxime pour attirer une maîtresse [3].

Je mettrai ici une chose qui se trouve dans un livre intitulé : Pratiques de Piété pour honorer le S. Sa-

  1. Theo, in Progymn., cap. XII, p. m. 135.
  2. Conférez ce que dessus dans la remarque (A) de l’article Thalès.
  3. Voyez l’Ode XVII du Ier. livre d’Horace et considérez-y ces paroles :

    Di metuentur : Dis pietas mea,
    Et Muss cordi est.