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VÉRON. VÉRONE.

vers sur la mort d’Hadrien Turnèbe. ] Vous apprendrez cela dans ces paroles de M. de Thou Ei (Hadriano Turnebo) Johan. Auratus..…. Nicolaüs denique Vergerius, Angeli illius Cretensis elegantiorum græcæ linguæ characterum ad omnem admirationem et oculorum jucunditatem formatoris F... et alii epitaphiis carminibus parentârunt [1]. Il était né en Candie, d’où il passa en France environ l’an 1540. C’est ce que j’infère de deux passages de Jean-Antoine de Baïf, dont l’un m’apprend qu’en ce temps-là ce Jean-Antoine fut mis sous la discipline de Tusan, et l’autre m’apprend qu’il fit amitié chez Tusan avec Nicolas Vergèce, nouvellement venu de Candie [2].

Amy qu’en la prime jeunesse
J’acointay chez le bon Tusan,
Voiey cinq fois le cinquieme an
Tout nouveau venu de la Grece.
....................
....................
Bien jeune tu vis escumer
Dessous toy la ronflante mer
Tiré de l’isle, ta naissance,
Qui vit de Jupiter l’enfance [3].


Je tire ces vers de la Contretrene à Nicolas Vergece, Candiot, dans laquelle vous trouverez cet éloge de sa muse :

Fee, ces mignardises laisse,
Je ne puis entendre à tes jeux :
Lachons un peu couver nos feux ;
Afin que m’acquite à Vergece,
Qui m’a mis en soucy plaisant,
M’étrenant d’un mignard presant
Que la Muse avec la Charite
Ont ourdi de fleurons d’eslite.

Ces beaux vers en langue Latine

Confits au miel Catullien,
Vers de bon heur, meritent bien
Que beusse de l’eau Cabaline [4].


Jean-Antoine de Baïf ne finit point cette pièce sans parler de sa pauvreté et de celle de son ami.

Pauvreté mes espaulles presse,
De foule et jamais ne me laisse,

Je suis pauvre, et tu n’es pas riche :

Vien-t’en me voir, amy tresdoux :
Embrassons-nous, consolons-nous :
Le ciel ne sera toujours chiche
Envers nous du bien qui des mains
De fortune vient aux humains
Or vivont une vie estroitte
En pauvreté, mais sans souffrette [5].

  1. Thuanus, lib. XXXVIII, pag. 769, ad ann. 1565.
  2. Jean-Antoine de Baïf, épître au roi, au devant de ses Œuvres en rime, imprimées à Paris, l’an 1593, in-8o.
  3. Jean-Antoine de Baïf, Œuvres en rime, folio m. 119.
  4. Là même.
  5. Là même.

VÉRON (Jean), Français de nation, et protestant de religion, vivait au XVIe. siècle. Il publia, en anglais, divers ouvrages de controverse, un entre autres sur le purgatoire [a].

  1. Voyez le Calvino-Turcismus, lib. IV, cap. VIII, pag. m. 834.

VÉRONE, ville d’Italie, en latin Verona. Les uns disent qu’elle fut bâtie par les Gaulois, d’autres prétendent que les Gaulois ne firent que la rebâtir. Le père de Pompée y conduisit une colonie romaine [a]. Elle fut pillée par Attila, et possédée successivement par Odoacre, roi des Hérules ; par Théodoric, roi des Goths ; et par ses successeurs jusqu’à Totila ; par les Lombards ; par Charlemagne, et par sa postérité ; mais lorsque ses descendans perdirent l’empire, il s’éleva plusieurs seigneurs qui tâchèrent de se rendre souverains dans plusieurs villes d’Italie. Cela dura jusques à Othon Ier., qui réunit à l’empire plusieurs états qui en avaient été détachés. Vérone rentra alors dans la masse, mais elle reçut le pouvoir d’élire ses magistrats : de sorte qu’elle était proprement une république libre, sous le nom de ville impériale. Cet état dura jusques à ce qu’Actiolin se fût emparé de la puissance souveraine, ce qui ne se fit qu’avec beaucoup d’effusion de sang. Il jouit de la tyrannie trente-trois ans, et mourut l’an 1269. Après cela les Véronais élurent pour géné-

  1. Tiré de Cluvier, in Italiâ antiquâ, lib, I, cap. XVI.