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DISSERTATION

fois déguisé sous ce nom là en ses Vindiciæ contra Tyrannos, et qu’il faut regarder comme une suite que l’on a voulu donner au Traité de Libertate ecclesiasticâ imprimé en 1607, qui, sans contredit est de Casaubon, lequel aussi en parle assez ouvertement en sa lettre CCCXXXIX de l’édition de la Haye, bien qu’il en eût parlé en termes assez couverts en deux ou trois autres lettres précédentes. »

Depuis la première édition de ce Dictionnaire j’ai appris un fait qui m’a paru fort curieux [a]. Il est dans un livre anglais qui fut imprimé à Londres l’an 1649, pour servir d’apologie à un écrit que les ministre de cette grande ville avaient publié depuis peu, et de réponse aux invectives répandues dans un livre de Jean Price. Donnons le titre de l’ouvrage où se trouve le fait en question : A modest and clear Vindication of the serious Representation, and late Vindication of the Ministers of London, from the scandalous Aspersions of John Price, in a pamphlet of his, entitled, Clerico-Classicum, or, the Clergies Alarum to a third War. Jean Price avait reproché aux ministres que plusieurs d’entre eux avaient publié des ouvrages qui ne sont propres qu’à exciter des rébellions, et il avait mis au quatrième rang Théodore de Bèze, comme l’auteur du Vindiciæ contra Tyrannos. Vous avez grand tort, lui répondit-on, de suivre en cela l’écrivain papiste de l’ouvrage intitulé, Imago utriusque Ecclesiæ, Hierosolimæ et Babylonis, par P. D. M. Cet écrivain, qu’on croit être Tobias Matthewes, a dit dans la page 105 que le livre de Junius Brutus est de la façon de Théodore de Bèze ; pouvez-vous agir équitablement. envers un théologien aussi orthodoxe que ce Théodore, quand vous adoptez les calomnies des papistes contre un protestant si zélé ? Le même auteur qui l’accuse d’avoir fait le Vindiciæ contra Tyrannos ne l’accuse-t-il pas aussi d’avoir usurpé la paroisse et la femme d’un autre ? Il n’y a pas moins de fausseté dans cette accusation-là que dans celle-ci. Il est facile de prouver qu’il n’est pas l’auteur de ce livre : un homme si sage et si docte eût-il voulu affirmer dans un ouvrage le contraire de ce qu’il avait enseigné dans un autre ? Il insiste dans tous ses écrits à faire voir qu’on doit se soumettre aux magistrats : il ne dit rien ni de la déposition, ni du meurtre des monarques, le but unique de l’écrit de Junius Brutus. On pourrait tirer des œuvres de Théodore de Bèze un grand nombre de passages directement opposés aux principes de ce Brutus ; en voici un ou deux : Il n’a été donné aux particuliers, dit-il [* 1], qui sont sujets d’un tyrans, aucun remède que l’amendement de vie, les prières et les larmes. Il veut bien qu’ils déso-

  1. (*) Nullum aliud remediam proponitur privatis hominibus tyranno subjectis præter vitæ emendationem, preces et lachrymas. Beza in Confessione Fidei christianæ, cap. V, circa finem.
  1. M. Hill, ministre de l’église anglaise de Rotterdam, a eu la bonté de me l’apprendre, et de me prêter le livre.