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SUR LE LIVRE DE JUNIUS BRUTUS.

béissent aux ordres du prince contraires à la loi de Dieu, mais non pas qu’ils prennent les armes contre lui. Aliud esse non parere quàm resistere, vel ad arma se comparare quæ à Domino non acceperis [* 1]. Il a fait un livre de Hæreticis à Magistratu puniendis ; mais il n’a pas dit un seul mot de Magistratibus ab Hæreticis puniendis. Cet ouvrage de Junius Brutus, poursuit-on, que de bons auteurs, dites-vous, attribuent à Théodore de Bèze, est dans le vrai l’écrit d’un jésuite. Nous savons de bonne part que le jésuite Persons l’a composé. Quelques personnes qui vivent encore peuvent rendre témoignage qu’un certain libraire nommé Rench fut condamné à être pendu, pour avoir mis cet ouvrage sous la presse avec un autre livre que le même auteur a fait sous le nom de Doléman. Il y a dans la chambre qui tient présentement ses séances à Westminster, un député qui a fait traduire en anglais l’ouvrage de Junius Brutus par le même Walcker qui a composé les Mercures de chaque mois. Cette traduction a été rendue publique ; mais de peur de faire connaître que le livre est du jésuite Persons, le nom de Junius Brutus en a été effacé, et l’on y a mis un autre titre.

Voilà ce que portent les extraits latins que j’ai fait faire de ce livre anglais. C’est une chose curieuse, ce me semble, que le jésuite Robert Persons passe en Angleterre pour l’auteur du Vindiciæ contra Tyrannos d’Étienne Junius Brutus, mais je ne saurais croire que l’on ait raison de lui donner cet ouvrage [a]. Il ne paraît guère possible qu’un jésuite anglais ait écrit en ce temps-là sur une telle question, sans rien dire qui eût relation à l’Angleterre, et qui ne sentît un Français bon protestant.

  1. (*) Idem, ibid.
  1. M. Hill m’a dit que Christophe Love, ministre de Londres, qui fut décapité sous l’usurpation de Cromwel, a soutenu dans un livre que Persons est le faux Junius Brutus.

(A) Le plus envenimé de tous les libelles..…. au sujet des révolutions d’Angleterre. ] C’est celui qui a pour titre : Le nouvel Absalon, etc. On l’attribue à M. Arnauld : cette opinion est imprimée dans un livre qui a pour titre : Histoire des Troubles causés par M. Arnauld après sa mort, ou le Démêlé de M. Santeuil avec les jésuites [1]. C’est à la page 29 qu’on trouve cela. Si l’auteur de cette histoire ne se trompe pas quant à l’auteur du libelle [* 1], il se trompe pour le moins quant au lieu de l’impression ; car il est faux que M. Arnauld ait publié en Hollande cet écrit-là. Je ne crois pas même qu’il y fût alors. Le Mercure historique et politique de l’an 1696 a fait prendre garde à la découverte de l’auteur de ce libelle, en parlant de ce démêlé de M. Santeuil.

(B) On a vu à Lausanne quelques pages de ce livre, écrites tant de la propre main de Languet, que de la manière qu’un auteur écrit. ] Il pourrait être que la première édition de Junius Brutus se fit à Lausanne [* 2]. M. Rivet, cité ci-dessus, certifie qu’elles se fit hors de France. Personne n’ajoute foi au titre portant que ce fut à Édimbourg. Barclai, selon Voëtius [2], dit, in præfat. libri de regno, etc., qu’il s’est servi d’un exemplaire imprimé

  1. * Leclerc reproche à Bayle de dire qu’on attribue à Arnauld le Nouvel Absalon, pour faire croire que Bayle adopte cette opinion.
  2. * Ce ne fut pas à Lausanne, mais à Bâle, où, comme le dit Leclerc, Thomes Guarin avait son imprimerie ; mais le livre porte la fausse adresse d’Édimbourg.
  1. Il été imprimé à Paris l’an 1696 ; mais on n’y a mis ni le lieu de l’impression ni le nom de l’imprimeur.
  2. Voëtius, Disput., tom. IV, pag. 233.