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DISSERTATION

Judicium de Acatholicorum et Catholicorum Regulâ credendi. Cela est très-vrai ; mais j’observe que cet ouvrage du capucin Valérien Magni est composé de deux traités, qui ne sont pas frères jumeaux. Celui qui regarde la règle de foi des non-catholiques est plus vieux de quelques années que l’autre. Il vint au monde à Prague l’an 1628. Plusieurs protestans le réfutèrent : Jean Major en 1630, Jacques Martini et Jean Botsac en 1631, Conrad Bergius en 1639. Un socinien s’en mêla aussi l’an 1633, sans se nommer : c’est Joachim Stegman dont j’ai dit un mot ci-dessus [1]. Il faisait plus de tort à la cause que de bien. Ce livre du capucin fut réimprimé à Vienne l’an 1641, avec les répliques de l’auteur à ces cinq antagonistes, et avec le traité de Catholicorum Regulâ credendi.

  1. Citation (rr).
DISSERTATION
SUR LES LIBELLES
DIFFAMATOIRES,

À l’occasion d’un passage de Tacite que j’ai rapporté dans l’article Cassius Sévérus [a], et qui nous apprend qu’Auguste fut le premier qui ordonna que l’on procédât par la loi de Majestate contre ces Libelles.

I. Nouveauté sous Auguste, à l’égard des Libelles.

Je voudrais savoir de quelles raisons l’empereur Auguste se servit pour envelopper les libelles diffamatoires sous les crimes de lèse-majesté ; car, comme Tacite le remarque, on ne comprenait avant cela sous cette espèce de crimes que les trahisons qui avaient affaibli les armées, que les séditions qui avaient affaibli le peuple, et enfin qu’une mauvaise administration des charges qui avait affaibli la majesté de la république : et l’on punissait bien les actions, mais non pas les paroles. Legem Majestatis reduxerat ; cui nomen apud veteres idem, sed alia in judicium veniebant : si quis proditione exercitum, aut plebem seditionibus, deniquè male gesta Rep. majestatem populi Romani minuisset. Facta arguebantur, dicta impunè erant. Primus Augustus cognitionem de famosis libellis specie legis ejus tractavit, commotus Cassii Severi libidine, quâ viros feminasque inlustres procacibus scriptis diffamaverat [b]. C’est pourquoi un autre historien remarque que ce fut une nouveauté que de voir une dame de la famille des Claudes accusée devant le peuple, comme criminelle de lèse-majesté, pour avoir dit en présence d’une foule prodigieuse qui empêchait son carrosse d’avancer : Plût à Dieu que mon frère revînt au monde, et qu’il perdît encore une flotte, afin qu’il y eût moins de gens à Rome[c]. Les interprètes remarquent là une double nouveauté, l’une à cause du sexe de l’accusée, l’autre parce qu’on qualifiait crime d’état un simple souhait. Je ne vois point qu’encore aujourd’hui ce soit une jurisprudence constamment établie et pratiquée, que les médisances de la personne du prince,

  1. Citation (9).
  2. Tacit., Annal., lib. I, cap. LXXII.
  3. Novo more judicium majestaiis apud populum mulier sublit, quòd in confertâ multitudine ægrè procedente carpento palàm optaverit ut frater suus pulcher revivisceret, atque iterùm classem amitteret quò minor turba Romæ foret. Sueton., in Tiber. cap. II.