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SUR LES LIBELLES DIFFAMATOIRES.

Hollande, puisqu’il est très-faux qu’elle permette ces pirateries barbares sur l’honneur des maisons les plus illustres. Voici ce qu’elle répondit en 1665 à M. l’évêque de Munster, qui s’était plaint entre autres choses de quelques écrits : Quidquid verò seu de hoc seu de aliis negotiis in nostris terris typis divulgatum est, de iis aliud nihil dicemus nisi illud solùm non tantùm hic, verùm passim inaliis quoque regionibus ægrè admodùm frenari et inhiberi posse typographicas licentias quantumvis diligens fuerit cautela ; nosque ipsi contra istiusmodi abusus severa sæpè promulgaverimus edicta, eademque sævis et rigidis confirmaverimus executionibus. Ces paroles, contenues dans une lettre de leurs Hautes Puissances, datée du 29 de septembre 1665, et imprimée avec privilége, peuvent servir de réponse générale à toutes les plaintes de même nature (G).

XI. Aveu du comte de Bussy. Histoire anecdote d’Alexandre VI.

Il ne sera pas hors de propos d’insérer ici l’aveu public du comte de Bussy Rabutin.« Il y a cinq ans que ne sachant à quoi me divertir à la campagne où j’étais, je justifiai bien le proverbe que l’oisiveté est mère de tout vice ; car je me mis à écrire une histoire, ou plutôt un roman satirique, véritablement sans dessein d’en faire aucun mauvais usage, mais seulement pour m’occuper alors, et tout au plus pour le montrer à quelques-uns de mes amis, leur en donner du plaisir, et m’attirer de leur part quelque louange de bien écrire [a] ..... Comme les véritables événemens ne sont jamais assez extraordinaires pour divertir beaucoup, j’eus recours à l’invention, que je crus qui plairait davantage ; et sans avoir le moindre scrupule de l’offense que je faisais aux intéressés, parce que je ne faisais cela quasi que pour moi, j’écrivis mille choses que je n’avais jamais ouï dire. Je fis des gens heureux qui n’étaient pas seulement écoutés, et d’autres même qui n’avaient jamais songé de l’être : et, parce qu’il eût été ridicule de choisir deux femmes sans naissance et sans mérite pour les principales héroïnes de mon roman, j’en pris deux auxquelles nulles bonnes qualités ne manquaient, et qui même en avaient tant, que l’envie pouvait aider à rendre croyable tout le mal que j’en pouvais inventer [b]. » Vous avez là un portrait fidèle de la conduite des écrivains satiriques. Soit qu’ils écrivent par un motif de vengeance ou de jalousie, soit qu’ils le fassent pour mettre à profit leurs pensées et pour exercer leur plume, ils se proposent comme une fin principale le divertissement du lecteur, et les louanges de leur génie. Or comme ils craignent qu’en ne disant que la vérité ils ne divertiraient guère les lecteurs, et que

  1. Bussy Rabutin, Lettre au duc de Saint-Aignan, insérée dans l’Usage des Adversités, pag. 265, édition de Hollande. Cette lettre est datée du 12 de novembre 1665
  2. Ibid., pag. 266.