Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
252
RÉFLEXIONS

raient vu des saletés bien plus entassées. C’était pourtant un conseiller au parlement de Paris, et l’un des plus illustres personnages du dernier siècle, tant par son savoir que par sa vertu.

X. Prenez bien garde qu’il n’y a personne à qui il convienne moins qu’à mon adversaire de déclamer contre moi : lui qui dans un sermon de près de deux heures a critiqué la conduite du patriarche Jacob ; lui qu’un synode censure de n’avoir pas assez ménagé la majesté des prophéties ; lui, des livres duquel on a extrait une liste de propositions profanes qui fut envoyée à un synode ; lui qui avait mis tant d’impuretés dans sa réponse à Maimbourg, qu’il fallut en retrancher une partie, pour déférer aux remontrances de deux magistrats ; lui qui, dans une critique fort dure d’un livre de M. l’abbé de Dangeau, s’est servi de phrases bien cavalières ; lui qui a tiré de la poussière d’un greffe, à beaux deniers comptans, les plus affreuses saletés qui se puissent lire, et qui en a rempli un factum ; lui, dont la Théologie mystique a sali l’imagination la plus endurcie ; lui enfin qui, rejetant la voie de l’autorité, avoue que celle de l’examen de discussion est impraticable. Il accuse donc d’athéisme, en la personne d’autrui, sa propre doctrine.

XI. Jamais roman n’a été plus fabuleux que ce qu’il raconte des prétendues espérances fondées sur mon Dictionnaire. Il est faux que mes amis l’aient préconisé par avance avec les fanfares qu’il leur impute. Ils sont trop judicieux pour tomber dans ce défaut. Et pour moi j’ai été si éloigné de m’en promettre quelque avantage, que j’ai dit et que j’ai écrit cent fois à ceux qui m’en ont parlé, que ce n’était qu’une rapsodie, qu’il y aurait là-dedans bien du fatras, et que le public serait bien trompé s’il s’attendait à autre chose qu’à une compilation irrégulière : que je n’étais guère capable de me gêner, et qu’ayant une indifférence souveraine pour les louanges, la crainte d’être critiqué ne m’empêchait pas de courir à bride abattue par monts et par vaux, selon que la fantaisie m’en prenait : qu’étant un auteur sans conséquence, qui ne prétend à rien moins qu’à dogmatiser, je donnais carrière à mes petites pensées tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, persuadé que personne ne ferait de tout cela qu’un sujet d’amusement, c’est-à-dire qu’on ne ferait que s’y délasser de la lecture d’une infinité d’autres choses graves, utiles, curieuses, que j’ai rassemblées avec beaucoup de patience ; mais sans espérer que l’on écoutât en ma faveur le

Ubi plura nitent in carmine, non ego paucis
Offendar maculis, etc.


Le succès a surpassé mes espérances. Un grand nombre de lecteurs critiques se sont réglés à cette maxime latine. Je n’ai commencé à croire que l’ouvrage n’était pas aussi méprisable que je me l’étais figuré, que quand j’ai vu les mouvemens violens que l’on se donnait pour le décrier, et le soin extrême que les partisans d’une cabale aussi formidable par son étendue que par son