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REFLEXIONS

également toute leur force intérieure. Cela est de la dernière évidence ; les lecteurs y doivent faire beaucoup d’attention.

XVII. On ruine par-là son dernier écrit. Il m’y déchire de la manière du monde la plus cruelle, et cependant il ne donne que son témoignage, si l’on excepte le Jugement de M. l’abbé Renaudot, avec la lettre de l’agent. Il produit des lettres anonymes : l’analyse de cela est sa seule autorité. C’est comme s’il disait au public : Vous devez croire tout ceci parce que je l’affirme. Et ne sait-il pas que son témoignage est nul de toute nullité dans mes affaires ? Comment donc ose-t-il ainsi abuser de la patience publique ? Quand il dirait mille et mille fois qu’il a lu mon Dictionnaire, et qu’il y a trouvé des impiétés et des saletés, ce seraient toutes paroles inutiles ; car, encore un coup, il ne peut pas être témoin contre moi : la récusation lui est inhérente jusques aux moelles ipso facto. Il ne peut être reçu qu’à copier des passages, et à prouver qu’ils sont condamnables. Si les preuves ne marchent pas, il n’a qu’à se taire. À combien plus forte raison faut-il refuser audience à ses réflexions, puisqu’il avoue qu’il n’a vu ni lu le Dictionnaire critique, et qu’il ne dit point qui sont ceux qui lui en parlent. Je ne doute pas que, comme il est le premier qui se soit joué si hardiment du public, il ne soit aussi le dernier ; car il n’y a point d’apparence que des choses si monstrueuses puissent laisser de postérité.

XVIII. On n’a pas sujet de croire que ses nouvellistes soient exacts, puisqu’ils ont dit que j’ai abrégé Rabelais. Je me trompe fort si je l’ai cité plus d’une fois [* 1]. Si je l’eusse cité en plusieurs rencontres, je n’eusse fait qu’imiter de grands auteurs. C’est un livre qui ne me plaît guère ; mais je sais, et mon adversaire le sait aussi, que beaucoup de gens de bien et d’honneur l’ont lu et relu, qu’ils en savent tous les bons endroits, et qu’ils se plaisent à les rapporter quand ils s’entretiennent agréablement avec leurs amis. Si ces gens-là faisaient des compilations, assurez-vous que Rabelais y entrerait très-souvent.

XIX. Mes extraits des Nouvelles de la République des Lettres, qui me sont ici objectés, pourraient donner lieu à une dissertation bien curieuse. J’y travaillerai peut-être avec le temps. Ce serait une occasion de me disculper auprès de ceux qui me blâment d’avoir donné trop d’éloges aux écrivains dont je parlais dans ces Nouvelles. On pourrait donner une longue liste d’auteurs qui ont dit beaucoup d’injures aux mêmes gens qu’ils avaient préconisés. Celui qui m’attaque par cet endroit-là serait de ce nombre. Il a fort loué, et puis déchiré M. Simon. Il m’a donné quelquefois bien de l’encens, et même un peu avant la rupture, dans l’un de ses factums contre monsieur de la Conseillère. Mais j’ai quelque chose de plus fort à alléguer que des exemples ; car il y a plus de douze ans que j’ai fait

  1. * Je ne sais même si Bayle l’a cité une seule fois ; il en parle deux, mais sans rien citer de cet auteur : tom. XI, pag. 540, et tom. XII, pag. 582.