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ÉCLAIRCISSEMENT SUR LES ATHÉES.

car ici il ne faut pas dire les douleurs de l’enfantement, mais les plaisirs ; la personne dont je parle n’est jamais mieux dans son élément que quand elle publie des injures. Je m’étonne aussi qu’on n’ait pas produit un plus grand nombre d’extraits ; car pendant le court règne du Jugement de cet abbé les nouvellistes de livres écrivirent sans doute à tous leurs amis, soit en province, soit aux pays étrangers, le mal qu’on disait de mon ouvrage. Trente personnes de lettres ayant ouï dire dans une assemblée qu’un livre nouveau n’est point estimé, communiquent cette nouvelle à tous les curieux qu’ils rencontrent dans la rue, et ils l’écrivent dès le soir même à tous leurs correspondans. Les gros livres se font attendre, et c’est pour cela qu’à la sortie du port ils ont mille tempêtes à essuyer. Le Dictionnaire de l’Académie Française composé, retouché, limé, par l’élite des plus beaux esprits de France, cinquante ans durant, ne se montra pas plus tôt qu’il fut battu de l’orage de toutes parts : les chansons, les épigrammes, les libelles, les lettres des particuliers, les entretiens, tout fondait sur cet ouvrage. On y trouve, disait-on, toutes les ordures des halles, tous les quolibets. Il a gagné pourtant le large, et il vogue à pleines voiles vers l’immortalité.

Qu’il me soit permis de mettre ici une pensée de M. de la Bruyère. Que dites-vous du livre d’Hermodore ? Qu’il est mauvais, répond Anthime. Qu’il est mauvais, qu’il est tel, continue-t-il, que ce n’est pas un livre, ou qui mérite du moins que le monde en parle. Mais l’avez-vous lu ? Non, dit Anthime. Que n’ajoute-t-il que Fulvie et Mélanie l’ont condamné sans l’avoir lu, et qu’il est ami de Fulvie et de Mélanie ? Il semble qu’on ait fait cette remarque tout exprès pour moi.

Si j’ai été plus long que je n’avais résolu au commencement, c’est que j’ai cru dans la suite qu’il fallait s’étendre sur certaines choses, afin de n’être pas obligé de me détourner de mon travail à l’avenir, en cas que mes ennemis publient d’autres libelles. Je leur laisserai dire tout ce qu’ils voudront, j’irai toujours mon chemin. Qu’ils criaillent tout leur soûl ; je lirai leurs satires, je le leur promets, et j’en profiterai s’il le faut ; mais je ne perdrai point de temps à y répondre comme je viens de faire,

Le 16 de septembre 1697.
ÉCLAIRCISSEMENS

Sur certaines choses répandues dans ce Dictionnaire, et qui peuvent être réduites à quatre chefs généraux.


I. Aux louanges données à des personnes qui niaient ou la providence ou l’existence de Dieu. II. Aux objections des manichéens. III. Aux objections de pyrrhoniens. IV. Aux obscénités.


Observation générale et préliminaire.

En composant cet ouvrage, je m’apercevais bien qu’il s’y glissait des réflexions un peu libres, et peu conformes aux jugemens ordinaires ; mais je ne prévoyais pas qu’on s’en dût scandaliser. Je m’imaginais que les personnes dont le jugement sert de modèle ou de correctif à celui des autres,