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ZÉNON.

sternerent. Senis ergò unius eculeo impositi non supplex vox, nec miserabilis ejulatus ; sed fortis cohortatio totius urbis animum, fortunamque mutavit.[1]. Après cela il raconte ce que voici : Ejusdem nominis philosophus cùm à Nearcho tyranno, de cujus nece consilium inierat, torqueretur, supplicii pariter atque indicandorum consciorum gratiâ ; doloris victor, sed ultionis cupidus, esse dixit, quod eum secreto audire admodùm expediret : laxatoque eculeo, postquàm insidiis opportunum tempus animadvertit, aurem ejus morsu corripuit, nec antè dimisit, quàm et ipse vitâ et ille corporis parte privaretur [2]. Le commentateur Olivier ne trouve là qu’une faute : il ne blâme Valère Maxime que d’avoir dit que Zénon, le chef des stoïques, fut mis à mort pour avoir tâché de perdre un tyran. Cette censure est injuste, et l’on a beau dire que ce Zénon se donna la mort de bon gré à l’âge de quatre-vingt-dix ans[3], on ne convainc point d’erreur Valère Maxime, puisqu’il n’a point dit que l’un de ses deux Zénons fût le chef des stoïciens. Diogène Laërce ne dit-il pas qu’il y a eu huit Zénons[4] ? Il n’est donc pas nécessaire que celui que l’on distingue de Zénon d’Élée soit le fondateur des stoïques. Henri de Valois blâme Valère Maxime d’avoir fait de Zénon d’Élée deux Zénons[5]. L’un de nos meilleurs critiques a fait la même remarque, et indique, qui plus est, ce qui a pu faire errer cet ancien auteur[6]. Il observe que Jean Vorstius, en faisant la même critique, s’est rendu digne de censure, ayant débité que Néarque était tyran des Liparitains. Vorstius se fonde sur ce que Zénon fut questionné touchant les armes qui avaient été portées par ses soins dans l’île de Lipara. Il juge que ce philosophe, après avoir délivré de la tyrannie de Phalaris les Agrigentins, se retira dans cette île, et tâcha de l’affranchir du joug de Néarque. On lui prouve manifestement [7] que ce fut la ville d’Élée que Zénon tâcha d’affranchir de la tyrannie de Néarque. Passons plus avant, et prenons la liberté d’observer que ces savans hommes laissent impunie la faute la plus grossière de Valère Maxime. Elle consiste à débiter que Zénon d’Élée fit un complot contre Phalaris. La chronologie ne saurait souffrir cela. Supposons qu’Eusèbe se soit trompé en posant les vingt-huit ans de la tyrannie de Phalaris entre la 2e. année de la 31e. olympiade, et la 2e. de la 38e. Préférons ce qu’il a fait lorsqu’il a placé ce tyran vis-à-vis la fin de la 53e. olympiade, après seize ans d’usurpation. Disons même, comme le supposent de fort savans hommes[8] que Phalaris s’empara de l’autorité souveraine dans Agrigente, environ l’olympiade 52, et qu’il s’y maintint seize ans selon quelques-uns, et vingt-huit selon quelques autres, il se trouvera néanmoins qu’il sera mort avant que notre Zénon fût en âge d’entreprendre ce que Valère Maxime raconte. Nous avons vu ci-dessus [9] que Parménides était âgé d’environ soixante-cinq ans lorsque Zénon n’en avait que quarante. Or Parménides a fleuri la 80e. olympiade [10] : jugez si Zénon a pu être quelque chose dans la 59. Mais pour ne rien dissimuler, je trouve quelque embarras dans le temps où l’on fait fleurir Parménides : car puisque Périclès, décédé l’olympiade 87, avait été disciple de Zénon, il faudrait mettre l’état florissant de Zénon vers la 76[11], et un peu plus haut celui de son maître Parménides[12]. Cela

  1. Valer. Maximus, lib. III, cap. III, n. 1, in Exter., pag. m. 280.
  2. Idem, ibidem, num. 3.
  3. Olivier allègue cela.
  4. Diog. Laërt., lib. IX, num. 29. Jonsius, de Scriptorib. Hist. Philos., pag. 116, compte jusqu’à 15 Zénons.
  5. Ex Zenone Eleate duos perperam facit. Henricus Valesius, Notis in Amm. Marcellin., lib. XIV, cap. IX, pag. 46.
  6. Ut modo duorum Fabiorum res gestas uni eum adsignâsse contra Pighium probavimus, ita contrariâ planè culpâ unius philosophi factâ, in duos ejusdem nominis divisit, lib. III, cap. III. Nam quum retulisset, quam patientiam Eleates Zeno præstitisset, etc. Jacobus Perizonius, Animadv. Histor., pag. 85.
  7. M. Périsonius lui cite Ciceron, de Nat. Deor., lib. III, et Diogène Laërce.
  8. Car. Boyle, apud Acta Eruditor. Lipsiens., 1696, pag. 102, 103, dans l’Extrait des Lettres de Phalaris, imprimées à Oxford, l’an 1695.
  9. Citation (4).
  10. Chron. Eusebii.
  11. Jonsius, de Script. Hist. Phil., pag. 116, le met à l’olympiade 78.
  12. L’édition de Diogène Laërce, 1692, le met à l’olympiade 69.