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VIE DE M. BAYLE.

1666.

M. Bayle y arriva au mois de février de l’an 1666[1]. Il était dans sa dix-neuvième année ; mais ni les passions qui règnent ordinairement à cet âge, ni l’éloignement de la maison paternelle, n’affaiblirent point la forte passion qu’il avait pour les lettres. Il mettait à profit les heures mêmes de récréation ; et tandis que les autres écoliers s’occupaient de ces amusemens qui sont si chers à la jeunesse, il se retirait dans sa chambre pour se livrer aux plaisirs qui naissent de l’application à l’étude.

Au mois de septembre suivant[2], il profita des vacances pour aller voir sa famille : mais ce temps, destiné à la dissipation, devint pour lui un temps de travail ; il s’attacha si fort à l’étude qu’il en tomba malade. À peine fut-il guéri, que, se livrant de nouveau à sa passion dominante, il retomba, et eut ainsi plusieurs rechutes qui le retinrent au Carla plus de dix-huit mois.

1668.

On l’envoya à Saverdun[3], chez M. Bayze, qui avait épousé Paule de Bruguière sa tante. Le but de ce voyage était de le faire changer d’air, et de le sevrer de l’étude : malheureusement il trouva des livres. M. Rival, ministre de Saverdun, en avait un très-grand nombre ; et ce fut pour le jeune Bayle une tentation qui pensa lui coûter la vie. Des lectures presque continuelles le jetèrent dans une fièvre dangereuse, dont il eut peine à se guérir. Il fut long-temps à se remettre. Dès qu’il se trouva en état de sortir, on le fit transporter à une maison de campagne de M. Bayze, située sur les bords de l’Ariége, qui rend ce lieu très-agréable. Le souvenir des doux momens qu’il avait passés auprès de cette rivière l’a porté à lui consacrer un article dans son Dictionnaire[4].

Lorsqu’il fut tout-à-fait rétabli, il retourna au Carla[5], et bientôt après à Puylaurens[6], pour y continuer ses études. Il les reprit avec une nouvelle ardeur, mêlant toujours à ses exercices académiques la lecture de tous les livres qui lui tombaient entre les mains, sans en excepter les livres de controverse. Mais Plutarque et Montaigne étaient ses auteurs favoris. Le long séjour qu’il avait fait chez son père avant que d’aller à l’académie, et les fréquentes maladies qu’il eut ensuite, avaient si fort retardé ses études qu’il ne commença sa logique qu’à vingt et un ans. Ainsi ce n’est pas sans raison qu’il s’est plaint dans un de ses ouvrages, qu’il avait commencé tard à étudier[7].

1669.

Il redoubla son application pour tâcher de regagner le temps

  1. Le 12 de février.
  2. Le 9 de septembre.
  3. Le 29 de mai 1668.
  4. Voyez l’article Ariége [tom. II, pag. 580.]
  5. Le 28 de septembre.
  6. Le 5 de novembre.
  7. Réflexions sur un imprimé qui a pour titre, Jugement du public… sur le Dictionnaire critique, § xix, p. 8. (V. tom. XV, p. 257.]