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ACCIUS

a cru faussement qu’elle fut représentée quand on célébra les jeux appollinaires, auxquels le frère de Marc-Antoine présida en la place de Brutus, qui s’était absenté de Rome[1] ; mais il est clair, par les lettres de Cicéron, que la tragédie d’Accius, qui fut représentée en cette rencontre, était le Terée[2]. Il est surprenant que la plupart des commentateurs de Cicéron aient ignoré cela. Maturantius a cru qu’on représenta l’Atrée : Béroalde et Hégendorphin ont cru qu’on représenta le Brutus.

(F) Qu’il faisait aussi des comédies. ] Le grammairien Donat ne nous permet pas d’en douter ; car il met entre les perfections de Térence de s’être contenté de faire des comédies, sans avoir jamais succombé à la tentation de faire des tragédies : ce qui, avec d’autres choses, ajoute-t-il, a été au-dessus des forces de Plaute, d’Afranius et d’Accius, et de presque tous les plus grands poëtes comiques. Comme je ne m’attache pas servilement à traduire mot à mot, il est bon de rapporter les propres paroles de cet auteur. Hæc cùm artificiosissima Terentius fecerit, tùm illud est admirandum, quòd et morem retinuit ut comædiam scriberet, et temperavit affectum ne in tragædiam transiliret, quod cum aliis rebus minimè obtentum esse à Plauto, et ab Afranio, et ab Accio, et multis ferè magnis comicis invenimus[3]. On pourrait recueillir de là qu’Accius au commencement ne faisait que des comédies ; mais, comme les tragédies firent sa grande réputation, je ne sais si Donat a eu toute l’exactitude nécessaire, lorsqu’il l’a ainsi placé parmi les poëtes comiques. M. Dacier a très-bien su que c’était un poëte tragique, et il l’a dit expressément dans sa remarque sur ce vers d’Horace :

Nil comis tragici mutat Lucilius Attî [4] ?

Néanmoins il a traduit ce vers en cette manière, Lucilius.... ne trouve-t-il rien à changer dans les comédies d’Attius ?

(G) Il en orna l’entrée des temples et des monumens, etc. ] Cicéron et Valère Maxime nous l’apprennent. Decimus quidem Brutus, dit le premier [5], summus ille vir et imperator, Accii amicissimi sui carminibus templorum ac monumentorum aditus exornavit suorum. Voici ce que dit Valère Maxime. Similiter honoratus animus erga poëtam Accium D. Bruti, suis temporibus clari ducis, extitit, cujus familiari cultu et promptâ laudatione delectatus, ejus versibus templorum aditus, quæ ex manubiis consecraverat adornavit[6]. Scrivérius a cité un autre passage en ces propres termes ; Amatus etiam nùm in tantum Attius à Decimo Bruto fuisse dicitur, ut Attianis versibus templorum et monumentorum frontes et aditus exornare consueverit [7]. Il le donne pour les propres paroles de Cicéron in Bruto ; mais je suis sûr qu’elles ne s’y trouvent point. Apparemment, quelque auteur moderne l’a trompé de cette façon. Il avait cité Cicéron in Bruto touchant l’âge de Pacuvius et d’Accius ; et puis il avait rapporté ce qui concerne D. Brutus et s’était contenté d’exprimer le sens des paroles de Cicéron, et n’avait pas laissé de citer idem Cicero. Sur cela Scrivérius s’est imaginé qu’on avait cité les propres paroles de Cicéron, et qu’on les avait tirées du même livre qui avait été cité auparavant, et il n’a point pris la peine de vérifier. Voilà comment les compilateurs les plus laborieux et les plus habiles aiment à trouver besogne faite. Vossius, trompé sans doute par Scrivérius, cite Cicéron pro Archiâ et in Bruto, touchant cette action de D. Brutus[8]. L’illusion est peut être plus ancienne que je ne dis : Scrivérius pourrait bien ne l’avoir pas eu de la première main. Quelque soigneux qu’il ait été de recueillir tout ce qui a été dit d’Accius, il n’a point cité le passage de Columella que nous verrons ci-dessous[9].

(H) Qui pouvait juger d’un ouvrage de cette nature. ] Paterculus fait en peu de mots un grand éloge de ce Brutus par rapport à la vertu militaire[10] ; mais voici comment Cicéron le loue

  1. Paulus Manatius in Philipp. I Cicer. sub fine.
  2. Ciceron. Epist. ad Attic lib. XVI, Ep. II et V.
  3. Donat. de Tragœd. et Comœd.
  4. Horat, Sat. X, lib. I, vs. 53.
  5. Cicero, pro Archiâ poetâ, cap. XI.
  6. Val. Maxim. lib. VIII, cap. XIV.
  7. Scriver. in Testimon. de Attio.
  8. Vossius, de Poët. lat. pag. 7.
  9. Dans la remarque (N).
  10. Vell. Patercul. lib. II, cap. V.