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AGRICOLA.

assez tôt des médecins (L). Reuchlin prononça l’oraison funèbre de ce savant homme[a]. M. Varillas nous fournira ici bien des fautes (M), et nous donnera lieu de rapporter ce qui concerne la publication d’un des livres d’Agricola ; c’est celui de Inventione dialecticâ (N).

  1. Valer. Andreæ Bibl. Belg., pag. 798.

(A) Il était de basse naissance. ] Je sais bien que dans la vie d’Agricola, parmi celles des professeurs de Groningue, on assure qu’il était d’une des plus considérables familles de Frise : Ex Agricolarum familiâ apud Frisios inter honoratiores semper habita, vir hic incomparabilis oriundus : mais comme cette vie n’est point différente de celle qu’on trouve dans Melchior Adam, elle ne saurait balancer le témoignage d’Ubbo Emmius. Or, voici ce que dit Ubbo Emmius, l’homme du monde qui connaissait le mieux son pays de Frise : Obscuris natalibus apud Bafloos ortus (Rodolphus Agricola) tantum sibi in literis nomen paravit per omnem Europam, ut, etc.[1].

On[2] m’a indiqué deux preuves du sentiment d’Emmius dans les lettres d’Agricola. L’une est que sa sœur utérine fut envoyée à Groningue, pour apprendre à travailler en pelleterie, pellicea opera et texturam pulvinariam ; l’autre est que le père de cette fille était receveur de l’église de son village. Il fut fort désolé lorsqu’un de ses fils déroba la somme de cent florins des deniers de cette recette : Venit ad me nudius tertius pater tuus turbatus et gemens, et propè cum lacrimis questus est mihi, Henricum fratrem nostrum pridiè ejus diei clàm sibi abstulisse centum florenos nostræ monetæ ex pecuniâ sacrâ, cujus curam, ut scis, ille gerit. Notre Rodolphe étant à Groningue, écrivit cela à Jean, son frère utérin,

(B) Comme un athlète ; je veux dire avec beaucoup de sobriété, de chasteté et d’application au travail. ] Les anciens remarquent que les athlètes s’endurcissaient au travail, et s’abstenaient du vin et des femmes.

Qui studet optatam cursu contingere metam,
Multa tulit fecitque puer : sudavit et alsit :
ABSTINUIT VENERE ET VINO[3].

Cette abstinence fut insigne dans Agricola ; et c’était une chose bien rare à l’égard du premier point, au pays où il vivait : Lovanii vixit honestissimè, ab omni compotatione ac comessatione contra gentis suæ morem alienissimus. Tantus erat in eo bonarum literarum amor, tam indefessume studium, ut turpis Veneris fornices et lustra ne noverit quidem[4]. Elle était rare partout, et l’est encore à l’égard de l’autre point. Car, à la honte du christianisme et des lettres, on ne voit presque partout dans les écoliers qu’un penchant horrible à la débauche. Ils ne valaient peut-être pas mieux anciennement ; et en ce cas-là, je m’étonnerais qu’on n’eût pas mis en proverbe, sine Venere et Baccho frigent Musæ, comme l’on y mit, sine Cerere et Baccho friget Venus. Il semble que depuis long-temps la jeunesse qui étudie se conduit comme si la première de ces deux maximes était véritable.

(C) Et s’arrêta deux ans[5] à Ferrare. ] Il y apprit le grec, et y enseigna le latin : il disputait avec Guarin, à qui écrirait le mieux en prose ; et avec les Strozza, à qui ferait mieux des vers : et pour ce qui regarde la philosophie, il en discourait avec Théodore Gaza[6].

(D) Ce fut l’an 1482 qu’il alla au Palatinat ; il y passa tout le reste de sa vie. ] Melchior Adam l’assure : Cum hoc (Joanne Camerario Dalburgio) ab anno 1482 partìm Heidelbergæ, partìm Wormatiæ, ad ultimum vitæ actum usque vixit conjunctissimè[7]. Mais M. de la Monnaie l’a trouvé en faute ; car voici ce qu’il me marque : « Rodolphe Agricola, dans une lettre qu’il écrit Jacobo Barbiriano, mal datée de XCII au lieu de XXCII, et dans une autre de même date à Jean son frère, dit qu’en un voyage qu’il fit cette même année à Heidelberg, il donna sa parole à Jean d’Alburg,

  1. Ubbo Emmius, Histor. Fris., lib. XXX, ad ann. 1490, pag. 457.
  2. M. de la Monnaie.
  3. Horat. de Arte Poët., vs. 412 et seq.
  4. Melch. Adami Vitæ Philosoph., pag. 15.
  5. En 1476, et 1477.
  6. Valerii Andreæ Bibl. Belg., pag. 798.
  7. Melch. Adami Vitæ Philosoph., pag. 16.