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AGRICOLA.

ἀπραγμοσύνη καὶ ῥαθυμία τις παντὸς τοῦ βίου[1].

(G) Il donnait quelquefois ce régal aux dames. ] Voici comme parle son historien : Puellas amare se nonnunquàm simulabat, verùm nunquàm deperibat. In earum gratiam vernaculâ linguâ quædam carmina scripsit elegantissimè : quæ virginibus primariisque amicis præsentibus voce et testudine modulatissimè canebat[2]. Il entendait toute sorte de musique : Canebat voce, flatu, pulsu[3].

(H) Quelques avant-goûts de la lumière qui parut au siècle suivant. ] Quelqu’un qui avait ouï discourir entre eux Agricola et Wesselus témoigne qu’ils déploraient les ténèbres de l’Église, et qu’ils blâmaient la messe, le célibat, et la doctrine des moines sur la justification par les œuvres[4].

(I) M. Moréri n’a pas eu raison de dire qu’Érasme et Agricola firent connaissance à Ferrare. ] La preuve en est facile à donner. Érasme naquit l’an 1467. Il étudiait à Deventer à l’âge de douze ou treize ans. Agricola était à Ferrare, l’an 1456 et 1473. Comment donc aurait-il pu contracter dans cette ville une amitié éternelle avec Érasme ? Si M. Moréri avait lu le prognostic d’Agricola touchant Erasme, il n’aurait pas dit que ce fut à Ferrare qu’ils se connurent. Agricola était revenu d’Italie, lorsque, ayant lu les thèmes des écoliers d’Hégius à Deventer, il trouva je ne sais quoi dans celui d’Érasme, qui lui donna envie de voir cet enfant ; et après l’avoir bien considéré, il dit que ce serait un grand homme. Érasme n’avait pas vingt ans lorsque Agricola mourut ; et il n’était point encore sorti des ténèbres où des tuteurs impertinens l’avaient détenu : il ne pouvait donc pas y avoir entre lui et Agricola cette amitié dont M. Moréri parle. Voici, pour n’en faire pas à deux fois, quelques autres méprises de cet écrivain. Agricola, dit-il, était savant en tout genre de littérature, et même en la langue grecque. C’est comme si l’on disait, un tel est savant dans toutes les parties de la Théologie, et même dans les questions de la grâce. La langue grecque n’est-elle pas une des plus nobles parties de la littérature ? Je ne sais où M. Moréri a lu qu’Agricola fut syndic de la ville de Groningue pendant deux ans[* 1].

(K) Tout ce qu’il a copié d’Érasme [5]. ] Il applique à notre Agricola ce qu’Érasme a dit d’un autre. Il faut savoir qu’Erasme, ayant bien loué Agricola, confesse qu’une des raisons qui le rendaient si enclin à lui donner des éloges, était que lui Érasme avait eu pour maître un homme[6] qui avait été disciple d’Agricola[7]. Là-dessus, il nous étale le mérite de cet homme, et il dit entre autres choses que l’envie même ne le pourrait critiquer en chicanant, que d’avoir trop méprisé la renommée, de s’être peu soucié de l’avenir, et de n’avoir rien écrit que par forme d’amusement. Freher rapporte cette remarque, comme si elle concernait Agricola : par où il attribue à Érasme une fausseté ; car les œuvres d’Agricola recueillis en un corps[8], et imprimés à Cologne, l’an 1539, font foi qu’il a écrit beaucoup de choses avec soin, et avec toute son industrie.

(L) Il mourut pour n’avoir pas été secouru assez tôt des médecins. ] Voici ce qu’Érasme nous en apprend ; on ne sera pas fâché de le voir dans ses propres termes : Veluti si quis in morbo capitali medicum opperiatur insignem aut procul accersendum ; quæ res hominem illum verè divinum extinxit Rodolphum Agricolam ; etenim, dùm cunctatur medicus, mors antevertit[9].

(M) M. Varillas nous fournira ici bien des fautes. ] 1°. Agricola, dit-il [10], eut la mémoire si vaste, qu’il ne lui échappa jamais rien de ce qu’il avait une fois retenu. C’est une hyperbole, dont je ne trouve nul fondement dans

  1. * Joly reproche à Bayle de critiquer Moréri, et dit que le fait du syndicat est rapporté par Melchior Adam ; mais M. Adam ne parle pas de sa durée de deux ans.
  1. Melch. Adami Vitæ Philosoph., pag. 19. Voyez aussi la Vie d’Agricola, parmi celles des professeurs de Groningue.
  2. Melch. Adami Vitæ Philosoph., pag. 18.
  3. Ibid.
  4. Ibid., et Vitæ Professorum Groningens.
  5. Dans son Theatrum Viror. eruditor., p. 1430.
  6. Alexander Hegius.
  7. Erasmi Adagiorum Chiliade I, centur. IV, num. 39, pag. 145.
  8. Par les soins d’Alard d’Amsterdam. Elles comprennent deux volumes in-4.
  9. Erasm. Adagior. Chil. III, cent. III, num. 62, pag. 703.
  10. Varillas, Anecdotes de Florence, p. 184.