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ALABASTER.

ou qu’ayant marqué en général, que son opinion était grotesque, je l’eusse rapportée, vu principalement que le livre de Garasse ne se trouve guère dans le cabinet des particuliers. Je profite de cet avis ; j’en sais par expérience les fondemens : et c’est pourquoi, en plusieurs autres rencontres, j’ai mieux aimé joindre des queues à mes Commentaires, qu’exciter en vain l’avidité des lecteurs. Isidore de Peluse, pour trouver le nombre complet, a supposé que les ténèbres de la passion doivent être prises pour une nuit, et que le retour de la lumière jusques au coucher du soleil, doit être pris pour un jour. Lisez ce qui suit : « Je respons qu’il est vrai que ce passage[1] a bien donné de la peine pour l’accorder avec la vérité de l’histoire, et que c’a esté un des principaux argumens dont Julian l’Apostat a tasché de renverser la vérité de l’Évangile ; mais qu’il n’est point si désespéré, qu’on n’en tire bien une vraye et naturelle exposition, sans recourir aux fantaisies : ce que quelques-uns ont faict à la bonne foy, comme nous avons veu cy-dessus touchant l’heure de la resurrection. S. Isidore de Peluse, au premier livre de ses Épistres, en l’Épistre cxlv, en rapporte une exposition nouvelle, en ces termes : Sic habeto ; sextâ horâ Parasceves in crucem actus est Dominus, ab hâc horâ usque ad nonam tenebræ exstiterunt ; has tu noctem intellige : rursùs horâ nonâ lux, hæc tu pro die habe : nox rursùm Parasceves : tùm dies Sabbathi, tùm nox Sabbathi Dominici diei : Suyvant cette exposition, il est vray que Jésus-Christ demeura trois jours et trois nuicts dans les entrailles de la terre : mais ce sont des jours et des nuicts réduictes au petit pied[2]. »

(B) On jugera de son goût par les paroles d’André Rivet, que je citerai. ] Anno 1607, dit-il[3], quidam Pontificius Anglus, Guilielmus Alabastrus, edidit Antverpiæ librum cui titulum fecit, Apparatus in Revelationem Christi, in quo profitetur se novam et admirabilem rationem afferre investigandi Prophetiarum mysteria ex Scripturâ se ipsam interpretante. Ibi novam Cabbalam instituit, ex quâ quidlibet ex quolibet educit, et mutatis vel inversis aut separatis et disjunctis Ebræorum vocabulorum litteris aut syllabis, vel etiam in iisdem variorum numerorum ratione excogitatâ, novis etiam significationibus contra grammaticæ rationem assignatis, diversis nominibus aut verbis omnia pervertit ; et ipsi adeò commentum placet, ut quamvis sæpè excipiat se nolle præjudicare latinæ versioni, cùm tamen videat ex eâ nullis fidiculis sensum quem sibi proponit posse erui, non veretur dicere pag. 61, Deum Christi et Religionis Christianæ mysteria per illam verborum formam in Ebræo legis codice expressisse, quæ sensum carnalem et à divinâ mente alienum lectori primâ fronte offerret, atque itâ voluisse ut in Ecclesiâ Christianâ nulla passìm legeretur versio quàm quæ secundùm Ebræorum verborum corticem conciperetur, ut hoc modo sapientia divina non esset cuivis profano obvia. Sed posteà idem, per totum illud opus ità sapientiam illam divinam ex Scripturæ, si Deo placet, penetralibus haurit, ut ne ulli quidem hactenùs ex Patribus sanctissimis, vel unius loci talis interpretatio in mentem unquàm venerit, ne ipsis quidem omnisciis Pontificibus. M. Rivet, ayant donné deux exemples des visions de ce personnage[4], continue ainsi son discours : Alia hujus farinæ multa, pag. 57 et seqq. afferuntur à nugatore blasphemo, quibus syllabas unius nominis et verbi seorsìm accipiens, et à suâ radice divellens, omnia sursùm deorsùm vertit. Et tamen in regno Pontificio toleratur hæc novitas, ubi simplex scripturæ ex ipsâ Scripturâ interpretatio hæreseos insimulatur. Sed de his hactenùs. Videant Pontificii an suo Alabastro non debeant nigrum præfigere theta : nos hominis insolentissimam audaciam detestamur, etsi eum jesuita Possevinus suis Catholicis Scriptoribus inseruerit, Appar. Sacri Tomo primo. Notez : 1o . Que l’ouvrage dont ceci est tiré parut pour la pre-

  1. Celui du chapitre XII de saint Matthieu, où il est dit que Jésus-Christ devait demeurer dans le ventre de la terre trois jours et trois nuits.
  2. Garasse, Doctrine curieuse, p. 592, 593.
  3. Riveti Isagoge ad Scripturam Sacram, cap. XI, Operum tom. II, pag. 937.
  4. L’un est sur le verset 9 du chap. XXXVII de la Genèse, l’autre, sur le verset 8 du chap. XL du même livre.