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ALAINS.

dans les Gaules. Leur roi s’appelait Respendial : celui des Vandales s’appelait Gunderic, et était fils de Godisigile, qui avait été tué dans la dernière bataille. Plusieurs autres nations barbares s’unirent à ces deux-là, et causèrent une désolation prodigieuse dans toutes les Gaules. Une partie des Alains, sous la conduite d’Utace, qui avait succédé à Respendial, passa en Espagne, l’an 409, et s’établit dans la province de Carthagène, et dans la Lusitanie ; l’autre partie tint bon dans les Gaules, sous la conduite de deux rois. Les Alains d’Espagne, défaits par Vallia, roi des Wisigoths, près de Merida, an 418, furent contraints de se soumettre à Honorius. Leur roi Vatace perdit la vie dans le combat[a]. Nous trouvons encore, sous l’an 464, des Alains, qui secouent le joug des Huns, après la mort d’Attila, et qui entrent dans l’Italie, pour y fixer leur demeure ; mais Ricimer, marchant contre eux avec les troupes de l’empire, les défait de telle sorte près de Bergame, qu’il ne s’en sauve que très-peu, et que leur roi même Biorg est tué dans le combat. Il y avait long-temps que les Huns, ayant fait beaucoup de ravage et de carnage dans le pays des Alains, s’étaient associés avec ceux qui échappèrent à leur fureur. C’est Ammien Marcellin qui nous l’apprend[b]. Il fait une assez longue description des mœurs des Alains[c] : il dit que c’étaient les mêmes peuples que l’antiquité avait nommés Massagètes (A) ; il veut qu’ils aient habité dans les vastes solitudes de Scythie, et communiqué leur nom aux nations voisines en les subjuguant, et répandu ce nom jusqu’au Gange. Quoiqu’il les représente cruels et sauvages (B), il ne leur fait pas égaler à cet égard la brutalité des Huns ; et il remarque qu’ils exerçaient leurs brigandages jusqu’aux Palus Méotides, et jusque dans la Médie et dans l’Arménie.

  1. Cordemoi, Histoire de France, aux années que je marque.
  2. Amm. Marcell., lib. XXX, cap. III.
  3. Voyez la remarque (B).

(A) C’étaient les mêmes peuples que l’antiquité avait nommés Massagètes. ] Il y a deux passages sur cela dans Ammien Marcellin[1]. Le premier est au chapitre V du livre XXIII, et ne souffre aucune difficulté : Lucullus per Albanos et Massagetas, quos Alanos nunc appellamus, hâc quoque natione perruptâ, vidit Caspios lacus. L’autre est au IIe. chapitre du XXXIe. livre, dans un endroit où les manuscrits sont si brouillés, qu’il a fallu recourir aux conjectures de la critique, pour y trouver ce que j’attribue ici à Marcellin. Ce n’est donc que suivant la conjecture du docte M. de Valois, que cet historien a dit là, adusque Alanos pervenit, veteres Massagetas. Or, comme le premier passage prouve manifestement que Marcellin plaçait les Alains dans l’Asie, il me semble que l’on pourrait contester à ce savant commentateur l’explication qu’il donne à ces paroles du texte : Hister advenarum magnitudine fluente Sauromatas prætermeat adusque amnem Tanaïm pertinentes qui Asiam terminat ab Europâ. Hoc transito in immensum extentas Scythiæ solitudines Alani inhabitant[2]. M. de Valois veut que Hoc transito se rapporte au Danube, et non pas au Tanaïs ; et il allègue sur cela Pline, Denys Characénus, Orose, et Tzetzès, qui placent les Alains dans la Sarmatie, et au delà du Danube : mais il ne s’agit pas de ce que d’autres en ont dit ; il n’est question que du senti-

  1. Moréri cite le Ier. livre, qui est perdu.
  2. Amm. Marcell., lib. XXXI, cap. II.