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ALCINOÉ.

de saint Ignace Loyola. Le père Alciat, déguisé sous le nom d’Eminius [a] Tacitus, l’a traduite en italien du latin de Nicolas Orlandino [b]. Cette traduction fut imprimée à Rome en 1629. Le latin fut imprimé à Lyon en 1617. M. Moréri remarque que le pape Urbain VIII disait que le père Alciat était digne du chapeau de cardinal. Nicius Érythræus le rapporte[c]. Si l’on demande à quoi tenait-il donc que ce jésuite n’eût pas ce qu’il méritait ? Urbain VIII n’était-il pas le distributeur de ces chapeaux ? La réponse est fort aisée : il faut conférer cette dignité à tant de gens par des raisons de politique, qu’on ne peut toujours y admettre ceux que l’on croit la mériter.

  1. Leon Allatius in Apibus Urbanis, pag. 238, et Alegambe disent Erminius.
  2. Sotuellus, Bibl. Societ. Jesu.
  3. Nicius Erythr. Pinacoth. II, cap. XLVII.

(A) Le père Alciat, qui avait entrepris une Réfutation de Frà Paolo, était demeuré... loin de l’exécution. ] Il s’était imposé la loi de ne rien nier à son adversaire, sans apporter des preuves de sa négative ; de sorte qu’il employa bien des années à chercher des mémoires qui lui fournissent ces preuves. Le cardinal Palavicin prétend que c’était une œuvre de surégogation, parce qu’il n’y a point de lois qui obligent à la preuve celui qui nie : c’est à l’accusateur à prouver ; et, s’il ne le fait point, il mérite la peine du talion : mais la personne accusée peut se contenter d’un je nie le fait ; cela suffit à la faire absoudre, pendant qu’on ne prouve rien contre elle. Là dove questi s’era fatto lecito d’accusare senza provare, il che dalle leggi è punito colla pena del talione, guegli non volle negare senza haver la prova della falsità ; dal che ogni legge il disobligava. Quindi fu che spese moltissimi anni in cercar memorie certe di que’ successi[1]. N’en déplaise à ce cardinal, je ne crois pas qu’en cette rencontre ce fût assez de nier ce que le père Paul affirmait. Quand on a les rieurs contre soi, il faut avoir droit et demi, et accumuler preuve sur preuve, si l’on veut gagner sa cause. Ce cardinal ajoute que le père Alciat composait fort lentement, parce qu’il ne se pardonnait rien qui fût éloigné de la perfection : la vieillesse et les affaires de la Compagnie furent de nouveaux obstacles : Dapoi, la freddezza dell’ età decrepita, la natura perplessa, la penna altrettanto lenta, quanto esquisita, le occupazioni de’ nostri governi domestici, hanno cagionato ch’egli sia morto con lasciar solo qualche vestigio dell’ opera conceputa in idea[2]. Que ceci nous fasse comprendre qu’il y a des gens qui, à force de travailler à être de bons auteurs, demeurent toujours privés de la qualité d’auteur.

  1. Pallavic. Introduzione all’ Hist. del Concilio Trident., cap. V.
  2. Là même.

ALCINOÉ, fille de Polybe le Corinthien, et femme d’Amphilochus, devint folle d’amour pour un certain Xanthus de l’île de Samos, qui était logé chez elle. Ce n’est point là ce qu’il y eut de plus étrange dans son aventure : le grand sujet de surprise est de voir que ce fut Minerve qui lui inspira cette maladie d’amour, pour la punir de ce qu’elle n’avait pas payé tout ce qu’elle avait promis à une femme qui avait travaillé chez elle. Cette femme pria Minerve de la venger, et voilà comment ses prières furent exaucées. Alcinoé, par les soins de cette déesse, devint si furieusement amoureuse de son hôte, qu’elle abandonna sa maison et ses petits enfans, et s’embarqua avec lui. Mais, pendant le voyage, elle fit des réflexions sur sa conduite ; elle en pleura ; elle se