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ALCMÉON.

esprit on cite Hérodote, lorsqu’on a falsifié si étrangement ce qu’il raconte. 6°. Alcméon, fils d’Amphiaraüs, n’épousa point Callirhoé après la mort d’Alphésibée sa première femme : celle-ci était en vie pendant le second mariage[1]. 7°. Plutarque ne dit point que la fable d’Alcméon signifie qu’il tua sa mère, c’est à-dire sa partie, pour aller vivre à la campagne, qui nous est exprimée par le fleuve de son beau-père. Ne dirait-on pas que M. Moréri a lu dans Plutarque qu’Alcméon se châtra : c’est à quoi conduisent naturellement ces paroles, il tua sa mère, c’est-à-dire sa partie. Je veux croire qu’au lieu de partie, l’auteur avait dit patrie : mais cela ne le tire point d’affaire : car Plutarque ne dit point qu’Alcméon tua sa patrie, ou qu’il la maltraita : il dit, au contraire, qu’Alcméon fuyant les magistratures, les séditions, les factions et les calomnies, se choisit une petite retraite pour y vivre dans le repos ; et que c’est ainsi qu’il fuit les Furies[2]. 8°. La Chronique d’Eusèbe est citée encore plus mal à propos, pour expliquer ce que la fable a dit d’Alcméon ; car à quoi peut servir, pour l’explication de cette fable, de dire que la ville de Thèbes fut pillée, que Tirésias fut fait prisonnier, que sa fille Manto fut consacrée au service d’Apollon ? 9°. Il n’est pas vrai qu’Eusèbe rapporte ces choses en l’an 817 d’Abraham. Il ne dit rien de ce pillage de Thèbes : il parle en général des sept capitaines qui attaquèrent cette ville, et de leurs descendans qui renouvelèrent la guerre ; il parle, dis-je, de la première de ces deux expéditions sous l’an 784, et de la dernière sous l’an 823. En dixième lieu, ni Eusèbe, ni aucun autre historien, ne remarque que l’expédition d’Alcméon contre Thèbes ait été malheureuse[3] ; car ce fut alors que les Epigones pillèrent la ville, etc. 11°. Ils ne menèrent point le pauvre aveugle Tirésias : il avait pris la fuite, avec les autres Thébains, avant que les ennemis entrassent dans cette ville. 12°. Ils ne firent pas un grand butin, pour venger le déshonneur de leurs pères. Il fallait dire que, pour venger le déshonneur de leurs pères, ils entreprirent une seconde expédition. 13°. Il n’est pas vrai que le philosophe Alcméon ait fait voir que la lune a une propriété particulière, qui ne finit jamais : il a supposé l’éternité de cet astre. C’est une chose que l’on ne peut que supposer ; et c’est une négligence plus impardonnable à un prêtre qu’à un autre auteur, que de dire qu’on a fait voir que la lune est éternelle, et que l’âme immortelle tourne toujours comme le soleil. 14°. Eusèbe ne parle point d’Alcméon le philosophe : c’est sans doute le poëte qu’il a prétendu désigner lorsqu’il a dit : Alcmæon clarus habetur, et Lesches Lesbius qui parvam fecit Iliadem. 15°. Il l’a dit sous la 31e. olympiade, et non pas sous la 69e. 16°. Il n’est pas vrai que Plutarque, en La Vie de Solon, cite un historien nommé Alcméon. Voici les paroles de Plutarque : elles serviront à montrer comment les copistes précipités s’abîment dans les bévues les plus grossières : Οὺ μέντοι ςρατηγὸς ἐπὶ τοῦτον ἀπεδείχθη τὸν πόλεμον, ὡς λέγειν ϕησιν Ἕρμιππος Ἐυάνθη τὸν Σάμιον. Οὔτε γὰρ Αἰσχίνης ὁ ῥήτωρ τοῦτ᾽ ἐίρηκεν, ἒντε τοις τῶν Δελϕῶν ὑπομνήμασιν Ἀλκμαίων, οὐ Σόλων, Ἀθηναίων ςρατηγὸς ἀναγέγραπται[4]. Non fuit ille tamen ad bellum hoc designatus dux, ut tradere Samium Euanthem Hermippus ait. Neque enim id orator prodidit Æschines, et in Delphorum Conmmentariis Alcmæon, non Solon, est Atheniensium dux. MM. Lloyd et Hofman ont trouvé le prétendu historien Alcméon dans cet endroit de Plutarque. In Delphorum Commentariis, disent-ils, citatur à Plutarcho in Solone. Il est visible que ces Commentaires de Delphes sont l’ouvrage qu’ils attribuent à Alcméon, et qu’ils prétendent avoir été cité par Plutarque. Je m’étonne que Vossius ait donné dans une telle bévue. Alcmæon, dit-il[5], in Delphorum Commentariis, Ἀλκμαίων ἐν τοῖς τῶν Δελϕῶν ὑπομνήμασι, citatur à Plutarcho in Solone.

  1. Outre Apollodore, voici un autre témoin, savoir, Ovid. de Remed. Amor., vs. 455.

    Amphilochi frater ne Phegida semper amaret,
    Callirhoe fecit parte recepta tori.

  2. Plutarch. de Exilio, pag. 602.
  3. Voici comme parle M. Moréri, tant dans l’édition de Lyon, en 1688, que dans celle de Hollande : Après sa malheureuse expédition de Thèbes.
  4. Plutarch. in Solone, pag. 84, A.
  5. Vossius, de Histor. Græc., pag. 501.