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ALEANDRE.

Rome, et de s’enrichir des biens d’Église, comme avaient fait les protestans. Le changement de ceux-ci venait de ce qu’ayant espéré une grande liberté, pourvu qu’ils secouassent le joug papal, ils éprouvaient que le joug de la puissance séculière sous lequel il leur fallait vivre n’était pas plus doux. Aléandre fit tout ce qu’il put, mais sans succès, pour empêcher que Charles-Quint ne fît une trêve avec les protestans d’Allemagne. Il fut créé cardinal par Paul III[* 1], et destiné à la présidence du concile, avec deux autres légats[a]. En attendant, il alla en Allemagne, légat du pape, l’an 1538. Cette légation dura un an. Sa mort, arrivée le premier jour de février 1542, l’empêcha de présider au concile. Quelques-uns disent qu’il mourut par la bêtise de son médecin (D). Je n’ai point parlé de toutes ses nonciatures. M. Moréri fournira ce que j’ai omis. Aléandre avait publié quelques ouvrages (E). Il entendait fort bien l’hébreu et le grec, et on lui attribue une mémoire surprenante (F). Je ne crois pas qu’on ait eu raison de dire que l’hébreu était sa langue maternelle, ou, pour n’exprimer plus clairement, qu’il était né juif (G). On a eu plus de raison de l’accuser d’emportement[b]. Il fit lui-même son épitaphe qui témoigne qu’il ne se dépitait point contre son destin (H), comme on l’en a accusé. Érasme fait souvent mention de lui dans ses lettres, et presque toujours en mal (I). Il s’est plaint, entre autres choses, des mauvais offices qu’il en avait reçus auprès de l’évêque de Liége, chez qui Aléandre avait un frère qui était beaucoup plus grand maître que lui en l’art de dissimuler (K).

  1. * Leclerc dit que cette promotion eut lieu le 29 décembre 1536. Paul III avait, depuis le mois de mai de l’année précédente, rappelé auprès de lui Aléandre qui était nonce de Venise depuis 1533.
  1. Les cardinaux Campege et Simoneto.
  2. Voyez la remarque (G), à la fin.

(A) Alexandre VI souhaita de l’avoir à son service. ] Je me sers de cette expression, parce que l’auteur que j’ai suivi réduit la chose à un pur dessein qui ne fut jamais exécuté[* 1]. De la manière qu’il en parle, Aléandre ne fut jamais actuellement au service de ce méchant pape. Si cela est, il faut compter pour perdues toutes les réflexions qu’on a faites au désavantage d’Aléandre, en vertu de la pernicieuse école d’Alexandre VI, et de César Borgia, où l’on prétend qu’il a été élevé. Je ne décide rien ; je laisse au lecteur la peine d’approfondir un peu la chose : Aleandrum (qui paulò antè Cancellarius Leodiensis, et olim famosissimi Cæsaris illius Borgiæ seu ducis Valentini secretarius fuerat, famulus hero dignus, et pars aulæ Romanæ sub Alexandro VI, ) pessimè describit Lutherus[1].

(B) Louis XII le fit venir en France, l’an 1508. ] Pallavicini ne marque point cette année ; mais comme il dit qu’Aléandre, âgé de vingt-huit ans, fut appelé à Paris, je n’ai pas cru me tromper en la marquant, puisque d’ailleurs l’épitaphe d’Aléandre porte qu’il mourut l’an 1542, âgé de soixante-deux ans moins treize jours[2]. Il était donc né le 13 de février 1480 ; car ceux qui marquent le jour de sa mort, la mettent au premier jour de février[3]. Je suis surpris de la né-

  1. * Leclerc explique qu’Aléandre, envoyé par le pape en Hongrie, étant tombé malade en route, fut obligé de revenir à Venise, et ne parut jamais à la cour d’Alexandre VI qui mourut au mois d’août 1503.
  1. Seckendorf, de Lutheran., lib. I, pag. 125, num. 3.
  2. In Nomenclatore Cardinalium, pag. 132, et in Istoria de’ Poeti Græci de Lorenzo Crasso, pag. 278.
  3. Oldoïnus, in Athenæo Romano, pag. 317.