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ALEANDRE.

calamum ; Tabulas in grammaticam græcam [* 1], seu potiùs grammaticam ad litteras græcas ; Dialogos duos festivissimos, quorum alter Cicero relegatus inscribitur, alter verò Cicero revocatus [1] ; Carmina quædam illustrium poëtarum Italorum carminibus indita ; Epistolas multas, quarum 4 habes inter epistolas Federici Nauseæ, et alias in quibus de Rebus ecclesiasticis agit ; Annotationes item quasdam in bibliothecâ cardinalis Sirleti asservatas. Si l’on est choqué de voir un grand et immense ouvrage, où l’on ne devait rencontrer qu’une petite dissertation, on ne revient pas de ce dégoût, en ne trouvant dans le catalogue des écrits d’un homme aucune marque qui fasse la distinction de ce qui a été imprimé, et de ce qui ne l’est point. Voilà un défaut qui règne dans le Nomenclator, dans l’Athenæum d’Oldoïni, et dans plusieurs autres bibliographes. Le grand ouvrage d’Aléandre, où il faisait la censure de toutes sortes de professeurs n’a jamais été imprimé. Il y mettait, dit-on, la dernière main lorsqu’il mourut : Mentre andava compiendo una vastissima opera contra i professori di tutte le scienze, fu assalito in Roma dalla morte[2]. C’est ce que M. Moréri a voulu dire par ces paroles : Il mourut le 1er. février 1542, dans le temps qu’il allait publier un ouvrage considérable. Paul Jove a été sur cela l’original de beaucoup de gens. Quùm vastum opus, dit-il[3], vastâ illâ memoriâ adversùs singulos disciplinarum professores agitaret, Romæ interiit. Les continuateurs de Gesner et Konig n’ont connu de tous les ouvrages d’Aléandre que les tables de la grammaire grecque. Draudius n’a pas même connu cela. Le catalogue d’Oxford ne contient qu’un petit poëme de cet auteur[* 2].

(F) On lui attribue une mémoire surprenante. ] Je ne saurais prendre ce que Paul Jove en a dit que pour une saillie poétique, quoiqu’il l’ait assuré en prose. C’est qu’Aléandre retenait tout ce qu’il lisait, et qu’il le pouvait réciter long-temps après sans se méprendre en rien, ni quant aux choses ni quant aux paroles : Detur hoc incomparabili inusitatæ memoriæ felicitati quæ in Hieronymo Aleandro suprà cujusque vel antiqui seculi captum admiranter excelluit, ut ejus ex vero depicta facies vel in pudendâ ingenii sterilitate inter fecundissimas imagines conspiciatur, quando nihil eum cuncta volumina cupidè perlegentem vel rerum vel verborum omninò subterfugerit, quin singula memoriter vel à multis annis longo sepulta silentio recitaret[4]. On a de la peine à croire cela si l’on ne le voit ; mais comme une mémoire ne laisse pas d’être très-heureuse, encore qu’elle ne le soit point au degré que Paul Jove vient de décrire, je ne doute point de la connaissance parfaite de plusieurs langues que l’épitaphe d’Aléandre lui attribue : Hebraïcæ, Græcæ, Latinæ, aliquotque aliarum linguarum exoticarum ita exactè docto, ut eas rectè et aptè loqueretur et scriberet.

(G) Je ne crois pas qu’on ait eu raison de dire... qu’il était né juif. ] Luther et ses disciples donnèrent cela pour un fait certain[* 3], pendant la première nonciature d’Aléandre en Allemagne ; et voici ce que nous lisons dans les œuvres de Luther[5] : Venit his dicbus Hieronymus Aleander, vir suâ opinione longè maximus, non solùm propter linguas quas eximiè callet, siquidem Ebræa illi vernacula est, Græca à puero illi coaluit, Latinam autem didicit diutinâ professione, sed etiam mirabilis suis videtur ob antiquitatem generis. Nam Judæus natus est, quæ gens immodicè gloriatur de Abraham vetustissimo se originem ducere. An verò baptisatus sit nescitur. Certum est eum non esse Pharisæum, quia non credit resurrectionem mortuorum, quoniam vivit perindè atque cum corpore sit totus pe-

  1. * Imprimées, selon Simler, en 1517, in-8°. Je ne sais, ajoute Leclerc, si cet ouvrage est différent du travail d’Aléandre sur la grammaire de Chrysoloras.
  2. * C’est, dit Leclerc, une pièce de 22 vers, intitulée Poëma ad Julium et Neæram, imprimée à la page 56 du tome Ier. des Deliciæ poëtaram Italorum de Gruter.
  3. * Leclerc combat longuement cette opinion de Luther
  1. Je fais voir dans l’article d’(Hortensio) Lando, que cela est faux.
  2. Lor. Crasso, Istor. de’ Poeti Greci, p. 277.
  3. Jovius in Flogiis, cap. XCVIII, p. 231.
  4. Id. ibid., pag. 230.
  5. Tome I, folio 496, apud Seckendorf de Lutherau., lib. I, pag. 125, num. 4.