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ALFÉNUS VARUS.

à Milan un pauvre malade qui était mort, lequel il eût pu guérir s’il eût communiqué son secret au chirurgien, il fut touché d’un si grand remords de conscience qu’il se fit presque hermite : et ce fut dans cette solitude qu’il mit ses secrets en état d’être donnés au public. Les colporteurs les promènent par les foires de village avec leurs autres petits livres couverts de bleu. Il est vrai qu’ils n’ont que l’élite des remèdes du seigneur Alexis Piémontais : le recueil entier serait un volume trop gros pour eux.

ALFÉNUS VARUS (Publius), natif de Crémone, premièrement cordonnier, et puis disciple du célèbre jurisconsulte Servius Sulpitius [a], et enfin consul, a été un fort habile homme en matière de jurisprudence (A). Ses funérailles furent faites aux dépens du public. Voilà tout ce que nous dit de lui l’un des vieux scoliastes d’Horace, dans ses notes sur un passage qui regarde notre Alfénus (B), dont on veut que le consulat tombe sur l’an 754 de Rome[b]. Je n’en voudrais pas jurer. Alfénus avait écrit quarante livres de Digestes, dont il est fait mention dans l’indice des Pandectes, et, quelques livres de Recueils, Collectaneorum. Aulu-Gelle cite l’un et l’autre de ces deux ouvrages ; et, quoiqu’il réfute ce qu’il en cite, il ne laisse pas d’attribuer à l’auteur un esprit qui recherchait les antiquités (C). Le jurisconsulte Paulus a fait l’abrégé des livres d’Alfénus [c]. S’il était vrai que, parmi les conseillers de l’empereur Alexandre Sévère, il y eût un Alfénus (D), disciple de Papinien, comme quelques-uns le disent en s’appuyant sur un passage fort embrouillé de Lampridius, il aurait pu être de la postérité de l’autre, quoiqu’il faille confesser qu’il y a eu des Alfénus différens du disciple de Sulpitius. Il y a un Alfénus dont Cicéron parle dans son oraison pour Quinctius, et un Alfénus Varus, général d’armée sous Vitellius, et préfet du prétoire, qui ne témoigna pas la résolution d’un brave homme, lorsque son parti eut été vaincu par celui de Vespasien[d]. Donat, dans la vie de Virgile, parle d’un Alfénus (E) qui, avec quelques autres, exempta les terres de ce poëte du sort où celles du voisinage furent exposées, lorsqu’après la défaite de Brutus elles furent assignées aux soldats. De fort habiles gens croient que celui qui rendit ce bon office à Virgile, est le même Alfénus qui avait été cordonnier, et le même Alfénus dont parle Catulle [e]. Cela n’est pas sans difficulté (F). Voyez nos remarques, où M. Moréri est quelquefois mis dans son tort.

  1. Acron le nomme Marc ; mais il faut Servius, selon Guill. Grotius, Vit. Jurisc., pag. 86. Voyez Aulu-Gelle, lib. VI, cap. V, et Pomponius in I. 2. D. de Orig. Juris.
  2. Voyez Cruquius in Horat., Sat. III libri I.
  3. Guill. Grotii Vitæ Juriscons., p. 86.
  4. Tacit. Historiar. lib. II, cap. XXIX et XLIII ; lib. III, cap. XXXVI, LV et LXI ; lib. IV, cap. XI.
  5. Dacier sur Horace, Sat. III, liv. I.

(A) Il a été un fort habile homme en matière de jurisprudence. ] Ce passage d’Ammien Marcellin contre les avocats de son temps : Hi ut altiùs videantur jura callere, Trebatium loquuntur, et Cascellium, et Alfenum, et Auruncorum Sicanorumque jamdiù leges