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ALLATIUS.

tum sacrum visere atque adire cupienti.

(B) Saint Almachius fut tué par les gladiateurs sous la préfecture d’Alypius. ] Il avait voulu faire cesser le culte des fausses divinités le jour de l’octave de Noël (c’est le premier jour de l’an), et il lui en coûta la vie. Voici les paroles du martyrologe, sous le 1er. de janvier : Romæ sancti Almachii martyris, qui, jubente Alypio urbis præfecto, cùm diceret, « Hodie octavæ Dominici diei sunt, cessate à superstitionibus idolorum et à sacrificiis pollutis, » à gladiatoribus occisus est[1]. Théodoret, au chapitre XXVI du Ve. livre de son Histoire Écclésiastique, parle d’un moine nommé Télémachus, qui, du fond de l’Orient, vint à Rome, pour travailler à l’abolition des jeux des gladiateurs. Il eut le courage d’aller catéchiser ces gens-là, au plus fort de leurs exercices sanguinaires ; mais les spectateurs lui en surent si mauvais gré, qu’ils le lapidèrent. Honorius, l’ayant su, le fit mettre au rang des martyrs, et commanda qu’on abolît ces sortes de jeux. On[2] voudrait réduire à un seul fait ce que vous venez de lire, et ce que j’ai cité du martyrologe. On serait bien aise que nous crussions que Théodoret a nommé Télémachus celui qu’il fallait nommer Almachius ; qu’il a transporté à l’empire d’Honorius ce qui s’était fait sous celui de Théodose ; et qu’il a imputé aux spectateurs l’action des gladiateurs. Sur ce pied-là, il se tromperait en trois choses.

(C) Baronius prétend que ce fut avec Alypius, que Jean l’Anachorète eut une conversation. ] Baronius cite sur cela un long passage[3], où l’on apprend que le bon Palladius trouva fort mauvais que l’anachorète l’eût quitté, pour aller entretenir Alypius, gouverneur de la province. Le dépit qu’il en conçut lui donna quelque mépris pour l’anachorète, et lui inspira la résolution de se retirer. Il aurait exécuté cette pensée, si l’anachorète ne lui eût fait dire d’attendre encore. Palladius connut alors qu’il y avait un grand fonds de spiritualité dans cet homme, et un talent tout particulier de deviner les pensées. Il attendit donc jusqu’à ce que le gouverneur se retirât, après quoi l’anachorète fit ses excuses.

(D) Saint Almachius est un saint imaginaire, et le titre de l’almanach a produit cette merveilleuse canonisation. ] Ceux qui ne pourront pas se servir du livre anglais, imprimé à Londres en 1688, et intitulé, The Enthusiam of the Church of Rome, c’est-à-dire, L’Enthousiasme de l’Église Romaine, pourront consulter le onzième volume de la Bibliothéque Universelle, à la page 139. Ils y verront que, suivant les conjectures de l’auteur anglais, quelque moine ignorant du VIIe. ou VIIIe. siècle, voyant au haut du calendrier S. Almanachum, écrit par abréviation, selon la coutume de ce temps-là, S. Almãchum, prit ce mot peu usité alors pour le nom de quelque saint, lui donna une terminaison en us, et le plaça au premier jour de l’année. L’ignorance et le hasard n’eurent pas plus tôt mis au monde ce nouveau saint, qu’il trouva des martyrologistes qui le firent tuer dans l’amphithéâtre de Rome sous le préfet Alypius, par les gladiateurs qu’il voulait empêcher de combattre. Aucun ancien auteur ne fait mention de cette sainte hardiesse [4]. Alcuin[* 1] est le premier qui en a parlé d’une manière assez douteuse.

  1. (*) De divin. Offic., cap. IV.
  1. Baronius, ad ann. 395, num. 19.
  2. Baronius, ibid., num. 20.
  3. Pallad. in Lausiac., cap. XXII ; apud Lipom., tom. III.
  4. Il est pourtant vrai que Théodoret le donne au moine Télemachus : voyez la remarque (B).

ALKINDE, ou ALKINDUS. Cherchez Alchindus.

ALLATIUS (Léon), garde de la bibliothéque du Vatican, natif de l’île de Chio, est un des plus fameux écrivains du XVIIe. siècle. Il était laborieux et infatigable, avide de manuscrits, doué d’une grande mémoire, très-propre à rassembler des matériaux, et digne par conséquent du poste qu’il occupait, quoique d’ailleurs il n’eût pas une fort grande pénétration, ni une manière de raisonner qui sentît un