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ALTING.

ditions raisonnables ; mais qu’il demandait réparation des injures qui avaient été publiées contre son honneur ; et qu’il ne voyait pas qu’on pût souhaiter aucune liaison avec lui, pendant qu’on le croirait tel qu’on l’avait dépeint. Le médiateur se retira sans proposer autre chose. Peu après, il se répandit un bruit par toute la ville, que M. Alting avait eu la dureté de refuser tout à plat la paix à un collègue mourant : tant il est vrai que les bruits de ville sont peu conformes à l’état naturel des faits ! Le médiateur, accompagné d’un autre ministre, retourna chez M. Alting, et tira de lui un formulaire de satisfaction. Ce formulaire ne plut point au malade, et celui que le malade dicta ne plut point à M. Alting : il fallut employer plus d’allées et de venues que pour la capitulation d’une forteresse. Enfin, le changement que M. Alting inséra au formulaire de M. Des-Marets ayant été accepté, à condition que M. Alting accepterait ce que M. Des-Marets y ajouta, afin que les conditions fussent égales de part et d’autre, on en vint aux signatures ; et ce fut là toute la réconciliation. Notez que les parties ne révoquèrent que les injures personnelles ; car pour ce qui est des accusations doctrinales, l’accusateur en remit le jugement à l’église[1].

(D) Alting fut obligé de se plaindre qu’on l’avait joué. ] Il fondait sa plainte sur la dernière édition du Système de Des-Marets, où il se voyait fort maltraité. Il prétendait que son adversaire devait abolir tous les monumens de la discorde ; et que, puisqu’il n’avait pas supprimé un ouvrage si outrageux, sa réconciliation n’avait pas été exempte de supercherie : Posteaquàm autem ad plures abiit (Maresius ).….. monitus fui ego[2] de Systematis novi perpetuis annotationtibus, quæ infândis maledictis cùm in alios tum in me constarent. Liber ille paucis ante mortem ipsius diebus vendi quidem cœperat, sed nondùm in meas ædes fuerat illatus….…. Curavi ergo afferri, atque indè didici quantoperè D. Maresius mihi illusisset, quandò in speciem concordiam redintegrari expetiit. Etenim quotiescunque verum illud est ac sincerum votum, non tantùm verbis pax initur. sed etiam abolentur omnia monumenta prioris inimicitiæ. Tenera namque conscientia ad suam ipsius infamiam spectare retur, si quod ipsamet damnavit atque ex suâ memoriâ abolitum voluit, universorum notitiæ ac memoriæ infixum dederit, editis contumeliosis chartis per universum orbem disseminatis. S’il m’est permis de dire un peu franchement ma pensée, il ne me semble pas qu’on ait eu raison de prétendre que Des-Marets supprimât tout un gros livre ; il eût fallu dédommager le libraire : et ainsi les frais de la réunion n’eussent pas été un simple dédit, un nollem factum ; ils eussent été une perte pécuniaire à la famille. Il ne s’agissait pas de trois ou quatre cartons : il s’agissait de l’ouvrage tout entier, comme le reconnaît Alting lui-même : Cùm in ipsius esset potestate totum opus suppressisse, quæ unica supererat in opere usquequaque sibi conjormi emendatio[3]. C’était assez qu’il déclarât dans un écrit signé de sa main, qu’il rétractait tout ce qu’il pourrait avoir dit ou publié contre la réputation de son adversaire. Ità ut indicta velit Cl. D. Maresius si quæ in dictis et scriptis ipsius in famam Cl. D. Altingii incurrere videantur [4]. Avec cela seul, il a pu mourir dans les formes, è morto canonicamente, comme on dit au delà des monts.

(E) Le clergé grondait éternellement contre... ses innovations. ] Les paroles que je m’en vais rapporter apprendront ce que c’était : Qualis fuerit utriusque ante mortem mutua conciliatio ipsiusmet autoris Epistola initio Mantissæ tomi quinti posita testatur. Quiescente Maresio, non sic tamen quiescendum sibi duxerunt qui ipsius partium fuerant. Nihil autem adeò dedisse operum videntur, quàm ut viâ quasi ecclesiasticâ per synodos, classes, et quas dicimus correspondentias, Altingii opinionibus obstisterent. Ità variis quidem fluctibus posteà jactatus vir optimus, suæ autem sententiæ tenacissimus tandem ferè enatavit ; siquidem quotiescunque ali-

  1. Tiré d’une Lettre de Jacques Alting, insérée au Ve. volume de ses Œuvres.
  2. Alting., tom. V, Mantissæ, pag. 425.
  3. Idem, ibidem.
  4. Idem, ibidem.