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ALTING.

quid proponeret ecclesiasticorum ordo, illud mox procerum edicto vel consulto rejectum est. Imò exauctorationis etiam pœna in eos constituta, qui de controversiis Maresio-Altingianis in cœtu aliquo pastorum quidquam moverent. Ità factum sæpiùs est ut generalibus etiam verbis concepta gravamina de periculosis novitatibus in spongiam incubuerint[1]. D’où paraît que Jacques Alting eût eu tout à craindre de la part des théologiens, s’il n’eût été protégé par les magistrats. Il est sûr que la puissance séculière et la puissance ecclésiastique ont besoin l’une de l’autre. Il faut quelquefois que celle-ci serve d’éperon à celle-là, et que celle-là serve de bride à celle-ci :

..............Alterius sic
Altera poscit opem res, et conjurat amicè[2].

(F) Ses œuvres ont été imprimées en cinq volumes in-folio. ] Feu M. Bekker, alors ministre d’Amsterdam, qui avait été disciple et bon ami de l’auteur, prit un soin particulier de cette édition. Elle parut à Amsterdam, en l’année 1687, et contient plusieurs sortes de Traités analytiques, exégétiques, pratiques, problématiques, et philosophiques, qui font foi, non-seulement de la vie laborieuse de Jacques Alting, mais aussi de son grand savoir. On peut connaître sa diligence par un autre endroit. La plupart des gens d’étude deviennent enfin paresseux à écrire des lettres : il n’a jamais connu ce défaut. Il en avait écrit cinq mille ; mais on n’a pu en publier qu’un petit nombre : Loquuntur epistolæ, quarum tam paucas ex 5000 publicari potuisse, id equidem dolendum. Erat autem ad scribendas luteras impiger[3] Le nom seul des théologiens à qui elles sont écrites montre qu’il n’était point Voetien.

(G) Il vécut près de trente ans hors du mariage, et enfin se maria. ] Vitam cœlibem ad annum ætatis trigesimum ferè perduxit, cujus tandem pertæsus junxit sibi tori sociam[4]. De huit enfans que Dieu lui avait donnés, il n’y en avait que trois en vie lorsqu’il mourut, dont l’un était médecin, un autre était avocat, et l’autre avait pris le parti des armes. Le premier et le dernier moururent peu d’années après leur père.

(H) On lui a fait injustice, en lui suscitant une longue suite de chagrins. ] Ceux qui aimeront mieux les paroles de l’original que mon abrégé trouveront ici de quoi satisfaire leur envie : Dixit inter alia (Altingius), si Deus sibi vitam viresque concederet, stare sibi animum duos libellos in lucem mittendi, alterum quidem quem orsus etiam est, quo se purgaret coram ecclesiâ ab heterodoxias et hæreseos crimine sibi intentato ; alterum verò quo Historiam vitæ suæ publicæ panderet, ab eo tempore quandò in academiâ docere cœpisset ; undè cuivis judicandum relinqueret, quo jure, quâ injuriâ tantùm ipsi molestiarum creatum fuisset.… Præ cæteris autem conquerebatur à malevolorum insidiis atque inimicitiis stetisse, quò minùs ut vellet publico inservire potuisset [5]. C’est assurément une chose bien déplorable que, par des guerres civiles, on empêche plusieurs excellens ouvriers de faire valoir leur talent au service de leur communion, et contre les ennemis de dehors, gens contre lesquels il faudrait toujours tenir toutes les forces du parti bien réunies. Je ne parle point du scandale que cela cause ; car, au contraire, il faut être scandalisé du peu de scandale que cela cause. Est-ce que pour se scandaliser à propos il faut un degré d’esprit à quoi peu de gens parviennent ? Est-ce que la coutume endurcit enfin à tout, et que, ab assuetis non fit passio ? D’où que cela vienne, il est certain que les peuples ont une indulgence excessive pour ceux qui entretiennent la discorde par des écrits violens, injurieux, remplis de chicaneries, sous le faux prétexte de zèle. Rien ne serait plus capable de corriger la démangeaison rongeante que l’on voit en certaines gens d’entasser livre sur livre, avec un fiel très-amer contre leurs confrères, que si les peuples se scandalisaient tout de bon de cette conduite, et donnaient des marques éclatantes de leur mépris, et de leur mécontentement. Mais, pendant qu’on les verra suivre

  1. In Vitâ Jacobi Alting.
  2. Horat. de Arte Poët. vs. 410.
  3. Vita Jacobi Altingii.
  4. Ibidem.
  5. Ibidem.