Page:Bayle - Pensées diverses sur la comète, édition 1749, tome 1.djvu/48

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en qualité d’ancien Ami, d’où vient que vous donnez dans une opinion commune sans consulter l’oracle de la raison ? C’est que vous croyez qu’il y a quelque chose de divin dans tout ceci, comme on l’a dit de certaines maladies, après le fameux Hippocrate ; c’est que vous vous imaginez que le consentement général de tant de nations dans la suite de tous les siècles, ne peut venir que d’une espèce d’inspiration, vox populi, vox Dei ; c’est que vous étiez accoutumé par votre caractère de Théologien à ne plus raisonner, dès que vous croyez qu’il y a du mystère, ce qui est une docilité fort louable, mais qui ne laisse pas quelquefois par le trop d’étendue qu’on lui donne, d’empiéter sur les droits de la raison, comme l’a fort bien remarqué Monsieur Pascal[1] ; c’est enfin qu’ayant la conscience timorée vous croyez aisément que la corruption du monde arme le bras de Dieu des fléaux les plus épouvantables, lesquels pourtant le bon Dieu ne veut point lancer sur la terre, sans avoir essayé si les hommes s’amenderont, comme il fit avant que d’envoyer le Déluge. Tout cela, Monsieur, fait un Sophisme d’autorité à votre esprit dont vous ne sauriez vous défendre avec toute l’adresse qui vous fait si bien démêler les faux raisonnements des Logiciens.

Cela étant, il ne faut pas se promettre de vous détromper en raisonnant avec vous sur des principes de Philosophie. Il faut vous laisser là ou bien raisonner sur des principes de piété et de Religion. C’est aussi ce que je ferai (car je ne veux pas que vous m’échappiez) après avoir exposé à votre vue, pour me dédommager en quelque façon, plusieurs raisons fondées dans le bon sens, qui convainquent de témérité l’opinion que l’on a touchant l’influence des Comètes. Devinez, si vous pouvez, quels sont ces

  1. Pensées de Monsr. Pascal, ch. 5.