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PROJET.

que de son côté il a commis beaucoup de bevûës. Un Auteur très-sensible d’ailleurs à la censure, prendra le party de se critiquer luy-même, lors qu’il croira faire depit à ses Censeurs, en leur montrant qu’ils ont ignoré que telles & telles choses devoient être censurées. Je vous en alleguerois des exemples, si je ne savois qu’ils vous font assez conus, avec la reflexion qui en resulte naturellement ; c’est que l’homme aime mieux se faire du mal pourveu qu’il en fasse à son ennemi, que se procurer un bien qui tourneroit au profit de son ennemi. Or comme ce qui est arrivé au Cenfeur, est aussi quelquefois le sort de l’Apologiste, c’est-à-dire qu’ils ne voyent l’un & l’autre qu’une partie des manquemens de leur Adversaire, & qu’ils font des fautes chacun à son tour, on voit la necessité qu’il y a de les suivre dans tout le progrez de leur dispute, lors qu’on veut faire le Recueil que j’entreprens : car il ne doit être composé que de fautes averées & certaines, comme sont par exemple celles sur quoy les Auteurs qui ont été critiquez passent condamnation, ou formellement ou par leur silence, & celles sur quoy on les reduit enfin à ne se defendre que par des absurditez notoires. Sans que pour cela je doute qu’il n’y ait des fautes, que l’on reduit à la conviction dès la premrere Critique ; de sorte, Monsieur, que si je voulois reprendre la metaphore de la chasse, dont je me suis déjà servi, je devrois dire qu’à la vérité ceux qui cherchent les fautes des Auteurs, trouvent bien quelquefois la bête toute tuée, ou aux abois, mais qu’ils la trouvent aussi quelquefois qui donne le change, ou qui esquive le coup, ou même qui se defend encore vigoureusement quoy que percée de cent traits. Les




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