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traversé toutes les expériences d’une vie, reparaît enrichi, fortifié, assoupli, élargi, contrôlé par une volonté sûre, époque magnifique de plénitude et de triomphale fécondité, où quelques-uns des plus beaux fruits de son art se sont épanouis et s’épanouissent encore sous nos yeux. C’est pour lui l’âge palingénésique.

Ceci peut donc schématiser le sens général de son effort d’art. La courbe de son œuvre relie le panthéisme inconscient du début au panthéisme conscient d’aujourd’hui, à travers une période de psychologie et de recherches.

Lemonnier a débuté dans les lettres par de la critique d’art. Les premières sympathies passionnées de ce peintre de la plume sont allées d’instinct aux peintres de la palette. Par là il semble bien se rattacher à ses glorieux ancêtres, les peintres flamands, dont il réincarne en littérature l’âme abondante et chaude héritée d’eux. Il touche là sa vraie base, d’où bientôt il va s’élancer. Nous examinerons plus loin son œuvre d’écrivain d’art.

Vinrent ensuite les Croquis d’automne, où cet instinctif païen et ce passionné de nature trahit la surabondance d’impressions qu’éveille en lui le spectacle des saisons. C’est par la forme surtout que ces proses intéressent. La langue y est d’une magnificence et d’un éclat qui, parmi les inexpériences fatales, trahissent le futur artisan prodigieux du verbe. Parmi les rares lecteurs de ces pages premières, l’étonnement fut profond. On crut presque à une gageure, en cette Béotie qu’était alors la Belgique, tellement cette langue d’art stupéfiait et scandalisait par ses insolites qualités picturales et plastiques.