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La période 1893-1895 représente une époque capitale dans la vie intérieure de Camille Lemonnier. C’est alors que surgit la crise définitive de son existence littéraire et qu’une vérité nouvelle — à vrai dire, par lui virtuellement possédée depuis toujours — le pénètre jusque dans les fibres ultimes de son être.

Il publie L’Arche et La Faute de Mme Charvet, qui terminent un cycle. Un peu las sans doute des multiples expériences de la période qui s’achève et des complexités psychologiques, il se recueille. Il sent qu’obscurément une transformation totale s’élabore en ses tréfonds. Bientôt l’événement intérieur s’épanouit, dissipant les doutes. En lui une source nouvelle se découvre qu’il ne suffira pas du reste de sa vie pour épuiser. Une jeunesse réapparue, mentale et cordiale, le fait tressaillir au souffle d’un nouveau printemps sacré de son être. Après le long périple et l’écrasant labeur, le voici à nouveau d’âme jeune, ouverte, fraîche, à nouveau emplie d’une force qui brûle de s’éprouver. Le voici revenu aux origines de lui-même… C’est alors qu’il écrit la Légende de Vie — dont l’idée le tourmentait depuis deux ou trois ans déjà — prélude d’une série merveilleuse d’œuvres larges et neuves, qu’emplit vraiment un sentiment nouveau, un souffle de jeunesse et d’avenir, une conscience d’éternité…

Ce moment de sa vie m’est cher entre tous, car c’est alors que je l’ai connu, que je suis entré en contact avec sa grande nature rude, candide, enthousiaste et chaude, dans l’ivresse et la palingénésie de son Île Vierge, dont il revoyait les dernières épreuves.

De cet aspect nouveau de lui-même, je trouve comme l’intime révélation dans un portrait qui date de cette épo-