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magne. Il ne connaît que les deux pays limitrophes, la Hollande et la France. Si j’insiste sur cet amour fondamental de sa terre — dont La Belgique est l’expression ultime et grandiose — c’est qu’il révèle l’une des caractéristiques majeures de son tempérament. Ce n’est pas un art cosmopolite, d’impressions natives et kaléidoscopiques, que le sien. C’est un art local, intense, sincère et vécu, qui malgré l’étendue de ses rameaux aspirant l’air d’alentour, n’en a pas moins ses racines invinciblement fixées au sol.

La Belgique obtint le prix quinquennal de littérature, refusé au Mâle quelques années auparavant. Il est vrai qu’on ne l’admit pas, sous forme de prix, dans les écoles. Sous prétexte qu’elle était, selon le mot de M. Laveleye, « trop lyrique ». C’est là un de ces jugements révélateurs qu’il importe à la postérité de recueillir…

Lorsque j’envisage cette hautaine et puissante figure, non plus dans la multiplicité de ses aspects, mais dans l’unité centrale de sa nature, j’y reconnais comme principe moteur un instinct.

Car chez lui c’est bien l’instinct qui commande en maître. Ses premiers livres ont jailli de l’irrésistible instinct de s’exprimer sous la forme verbale, non pas de la volonté d’être un écrivain.

La raison, en cette primesautière nature, demeure en retrait. La logique indiffère cet intuitif. La ratiocination, les dialectiques sont absentes de lui. L’intelligence ne culmine pas. C’est un grand ingénu violent, sensuel et tendre.

Il laisse entrevoir à ceux qui ont eu la sensation nette et pénétrante de son œuvre et de lui-même, un côté enfant et candide, qui persiste sous les ans, comme si, au fond de lui, une fontaine de jeunesse et de force génératrice s’épan-