Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/17

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même, lady Breynolds regardait son fils, qui ne la regardait jamais, absorbé par la passion du jeu où il voulait vaincre. Alors, les deux yeux d’un bleu si clair, auxquels des cils très menus ne faisaient point d’ombre, ces yeux dont le regard était tout d’un jet, tout d’une coulée, s’emplissaient d’une admiration vive, intrépide et maternelle. Ils finirent même par ne plus quitter le carré d’herbe où Réginald disputait la suprême partie contre un élève de Cambridge. Les spectateurs se taisaient au bord de la pelouse ; des ombrelles se relevaient, des bustes se tendaient en avant. Des femmes, une à une ou se donnant la main, s’avançaient pour mieux voir, et passaient entre les filets tendus, sans hâte pour ne rien troubler, graves, le cœur battant. Quelques joueurs novices, assis sur l’herbe, les coudes sur les genoux relevés, le menton dans les paumes des mains, avaient les lèvres pincées par l’émotion et le front barré par une ride. On entendait nettement le bruit des raquettes frappant les balles. Une automobile passa au large, sur la route, et son ronflement grossit, diminua, fusa et s’éteignit sans que personne