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qui s’emparaient de tout. Le général en chef était le seul qui écoutât leurs plaintes et celles des soldats. Il donnait raison au militaire, il le ménageait, dans la crainte que le mécontentement de l’armée, qui murmurait déjà, ne vînt à prendre un caractère plus sérieux.

La campagne que nous venions de faire était sans contredit la plus pénible qu’eussent jamais faite les Français. Nos marches forcées dans le désert, sous un ciel brûlant, sur un sable plus brûlant encore ; notre disette d’eau pendant cinq jours, de pain pendant quinze, de vin pendant trois mois, sans cesse au bivouac, exposés à une rosée perfide qui aveuglait les imprudens ; voilà sans doute qui était plus redoutable que les batailles et les siéges. Que faut-il pour se battre ? de l’élan ; mais pour supporter la fatigue et les privations, il faut un vrai courage de tête et d’âme. Nos forces étaient épuisées ; la plus grande partie de l’armée était attaquée de la dyssenterie. Nous étions dans un climat où la terre semblait un brasier ; ce climat nous éner-