Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/194

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rent. En dépit de ses efforts pour paraître calme, la pauvre enfant ne pouvait s’empêcher de sangloter en pensant aux épreuves cruelles qu’elle avait eu à supporter depuis quelques jours, et il lui fut impossible de fermer l’œil jusqu’au matin. Chacun fut sur pied de bonne heure, à la ferme, et les voitures arrivèrent bientôt pour transporter les malles et les bagages jusqu’au quai du bateau à vapeur où quelques amis du village accompagnèrent les voyageurs jusqu’au moment où la cloche réglementaire donna le signal du départ. Les hommes se serrèrent la main en silence, les femmes s’embrassèrent une dernière fois en pleurant et le bateau s’éloigna du rivage. C’en était fait : la misère continuait son œuvre de dépeuplement et l’on avait quitté la vie paisible du village natal, pour aller demander à l’étranger le travail et les moyens nécessaires pour subvenir aux besoins impérieux de chaque jour.

Deux heures plus tard, on se trouvait à Montréal où il fallait voir à se procurer immédiatement les billets de chemin de fer pour Fall River, car on devait partir le même soir pour les États-Unis. Le premier soin de M. Dupuis fut de faire transporter ses bagages à la gare Bonaventure et de placer sa famille dans un lieu où elle pourrait attendre l’heure du départ. Il se dirigea ensuite