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LETTRES DE VOYAGE

« Il y avait parmi les représentants de la municipalité parisienne un homme qui, pendant la période d’investissement, ne s’était point ménagé pour subvenir aux besoins de ses administrés : c’était René Dubail, maire du dixième arrondissement, républicain de vieille date, fort estimé au Palais de Justice où il avait, comme avocat, laissé d’excellent souvenirs, grand, maigre, ignorant toute transaction de conscience et ayant l’habitude de marcher droit dans une imperturbable probité. Son zèle et son dévouement l’avaient entraîné à assumer sur lui la plus lourde part du travail et de la responsabilité de ces jours difficiles. Il se tourna vers ceux de ses collègues qu’il sentait favorables à l’insurrection et leur dit :

— Si vous êtes ici pour résister avec nous, c’est bien : sinon, il faut f…… le camp.

Le mot n’était pas parlementaire — depuis on en a entendu bien d’autres — mais il est telles situations où la patience échappe aux esprits les plus corrects. À cette parole d’un honnête indigné, la majorité se resserre et se rallie à la résistance ; on comprit que c’était rejeter toute pudeur que de ne pas rompre immédiatement tous les pourparlers avec les insurgés. M. Dubail fut chargé de rédiger une protestation contre la mauvaise foi du comité Central. Cette protestation, que la suite des incidents qui allaient se précipiter empêcha de rendre publique, était très ferme.

Elle disait :

« Le Comité central manque pour la deuxième fois à la parole donnée en son nom par ses délégués. Il veut faire demain des élections sans sincérité, sans régularité, sans contrôle. C’est la guerre civile qu’il appelle dans